Recep Tayyip Erdogan appréciera: après que ce dernier a décidé de refaire de Sainte-Sophie une mosquée, des fonds privés syriens et russes ont proposé de reconstruire ce même lieu de culte en plus petit en Syrie, dans la ville d’Al-Suqaylabiyya. Un choix d’emplacement qui n’est d’ailleurs pas anodin, confie au micro de Sputnik Charles de Meyer, président de SOS Chrétiens d’Orient:
«Le fait que cette initiative voit le jour à Al-Suqaylabiyya n’est pas innocent. C’est une ville qui a beaucoup souffert de l’implication turque dans le conflit syrien.»
En effet, cette ville se situe juste à côté de la poche d’Idlib. Là-bas, «les résidents ont subi à la fois les agressions qui ont été permises par la Turquie au début du conflit car Ankara laissait passer des djihadistes pour qu’ils viennent combattre en Syrie, mais aussi du fait du maintien de la poche d’Idlib par des supplétifs de la Turquie. C’est donc extrêmement symbolique pour eux», analyse Charles de Meyer.
Le néo-ottomanisme d’Erdogan, une menace pour l’héritage chrétien d’Orient
La réplique devrait voir le jour dans la campagne de Hama, au centre de la Syrie, et serait financée par des fonds privés. Ce sera une église orthodoxe. C’est en tout cas ce qu’explique au micro de Sputnik Nabeel Abdallah, commandant du Comité de la défense nationale dans la ville d’Al-Suqaylabiyya:
«C'est un projet privé et il sera également financé par le secteur privé. Même le terrain sur lequel l'église doit être construite est la propriété privée d'une famille de chrétiens syriaques dont les ancêtres ont résisté aux Turcs dans les années 1920, comme tous les Syriaques à l'époque.»
En effet, l’aspect patrimonial est très important dans cette démarche. Une grande partie de la chrétienté, en Orient et au-delà, a vu d’un mauvais œil la transformation de Sainte-Sophie en mosquée et celle-ci se réjouit donc de la création d’une telle réplique en Syrie.
«Derrière la construction de cette réplique, il y a une volonté de maintien d’une identité chrétienne au Proche-Orient dans un pays comme la Syrie qui a réussi à s’émanciper de l’ancien empire ottoman», souligne le président de SOS Chrétiens d’Orient.
Au-delà de Sainte-Sophie, selon lui, c’est l’héritage culturel chrétien en Orient qui est menacé par les pulsions néo-ottomanes de Recep Tayyip Erdogan. Et, «quand on voit le rêve néo-ottoman, on ne peut que se réjouir de toutes ces traces qu’il reste de l’identité chrétienne».
Car en effet, «depuis 1915, et même avant, la présence chrétienne dans l’empire ottoman puis dans les zones de l’ancien empire ottoman va en se raréfiant. Et donc le maintien de cette identité chrétienne est un bienfait pour la région et tous les amis des chrétiens d’Orient», estime Charles de Meyer.
Certains médias turcs ont émis l’idée que la Russie aurait une «empreinte» sur la construction de cette église. Information balayée d’un revers de main par le commandant Nabeel Abdallah, qui insiste sur le fait que ce n’est pas une initiative gouvernementale:
«Non, la Russie n'a rien à voir avec ce projet, nous prévoyons de tout construire par nous-mêmes. Cependant, certains sponsors privés de Russie ont exprimé le désir d'aider au financement, mais ce n'est pas une aide officielle de Moscou.»
Opposition entre une Syrie laïque et une Turquie intégriste
L’église sera donc construite par et pour des croyants, soucieux de créer «un mémorial aux chrétiens syriens qui ont accepté le martyre pour leur foi en Christ, ainsi qu'à tous les défenseurs du pays qui sont morts», poursuit Nabeel Abdallah.
À travers la construction de cette église, les commanditaires du projet espèrent renvoyer l’image d’une Syrie laïque qui se distingue d’une Turquie qui bascule tous les jours un peu plus dans l’intégrisme. Plus tôt dans le mois, le député russe Vitaly Milonov déclarait:
«La Syrie, contrairement à la Turquie, est un pays qui montre clairement la possibilité d’un dialogue pacifique entre les religions, un voisinage pacifique de chrétiens et de musulmans».