Alors que le Covid-19 a encore contaminé un demi-million d’Américains en huit jours, dont le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, le Président mise à tout prix sur la découverte d’un vaccin pour se relancer dans la course à la Maison-Blanche. Pour se faire, le 45e Président des États-Unis inonde les laboratoires américains d’argent fédéral. Ce 27 juillet, il était en visite sur le site de production de Novavax, en Caroline du Nord, qui travaille sur un vaccin expérimental.
Pour Donald Trump, les États-Unis viendront à bout de cette crise grâce au «génie scientifique américain». Un pari qui peut s’avérer payant? Difficile à croire, estime au micro de Sputnik Olivier Piton, avocat en droit public français, européen et américain, auteur de Les transgressifs au pouvoir (Éd. Plon, 2017).
«Le pari s’est déjà retourné contre lui. À moins d’un miracle, ses chances de pouvoir être réélu sont extrêmement faibles. Une étude a été réalisée là-dessus, et à 100 jours d’une élection, aucun Président sortant accusant un tel retard n’avait réussi à gagner derrière.»
Maintenant, ce qu’il «reste à voir, c’est sa capacité à limiter les dégâts et à réussir le come-back du siècle.» Rien que ça. Pourtant, Donald Trump n’en serait pas à sa première surprise électorale. En effet, en 2016, il avait fait mentir les sondages qui le donnaient largement perdant.
«Il ne lui reste qu’une stratégie: tout miser sur le vaccin»
Néanmoins, la donne a changé. Quatre ans plus tard, Donald Trump et désormais engagé dans une fuite en avant après avoir refusé toute autre alternative que le vaccin. Mais une alternative qu’il n’est pas en mesure de contrôler parfaitement:
«Réussir ce come-back n’est pas possible en décidant de suivre les directives que tout le monde préconise. À savoir: confiner, porter un masque […] D’abord parce que c’est ce qu’il a combattu depuis le début, ensuite parce que c’est la position de Joe Biden. Il ne lui reste qu’une stratégie: tout miser sur le vaccin», affirme l’avocat.
Pour mettre toutes les chances de son côté, Trump a inondé les laboratoires américains d’argent public. Ainsi, les laboratoires Johnson & Johnson, Pfizer, AstraZeneca, Novavax et Moderna, ont-ils reçu pas moins de 6,1 milliards de dollars de Washington pour financer la recherche de ce vaccin.
Président Donald Trump: Nous aurons un vaccin d’ici la fin de l’année, «avec des années d’avance sur le calendrier».
Le gouvernement fédéral a également investi à coups de milliards dans des traitements thérapeutiques, des sites de production, la fabrication de seringues, de flacons… Un pari risqué, mais cohérent au demeurant:
«Quelle est la finalité de son pari? Relancer la machine économique, ce qui a été sa stratégie depuis le départ. Il a voulu se battre contre le reconfinement et de ce point de vue, la stratégie de se mettre derrière le vaccin est cohérente: On s’accroche, on teste un maximum, et on maintient à flot la machine économique, ce qui a d’ailleurs été un relatif échec, car le chômage est reparti à la hausse au mois de juin», rappelle Olivier Piton.
Pour lui, le pari est d’autant plus risqué qu’il «dépasse largement le cadre de Donald Trump et des États-Unis. Il y a une guerre de communication entre la Chine, l’UE et les États-Unis pour savoir qui aura le premier vaccin», sans même parler de la Russie, également bien placée dans la course au vaccin. Et si l’une de ces puissances trouvait le Graal avant les États-Unis, la crédibilité de Trump ne s’en relèverait probablement pas, d’autant que, malgré tous ses efforts, il est presque impossible de prévoir avec certitude quand un vaccin sera disponible, rappelle Olivier Piton.
Volte-face de Donald Trump
En attendant, «cette stratégie a un coût symbolique, humain et économique lourd, donc pour l’instant il est perdant partout. Trump au mois de février caracolait dans les sondages, tout le monde le voyait gagnant et cinq mois plus tard, peu de gens pensent sincèrement qu’il va gagner. Sa stratégie face au coronavirus est à ce jour un échec complet», selon l’avocat.
Cela dit, tout ne peut pas être imputé à Donald Trump, rappelle Piton. Il ne dispose en effet pas de l’autorité sur les politiques de confinement, qui sont décidées par les gouverneurs.
«Néanmoins, les signaux qu’il a envoyés en expliquant que c’était une “grippette”, qu’il ne fallait pas toucher à la machine économique américaine allaient dans ce sens. Même si les gouverneurs sont les artisans du confinement ou du reconfinement, le message de l’État fédéral visait à dédramatiser la crise sanitaire», souligne Olivier Piton.
Pour l’avocat, Trump n’a pas compris que ce sujet ne pouvait pas faire l’objet d’un positionnement iconoclaste: «Quand on touche à la santé, les gens ne veulent pas de polarisation du débat, ils veulent que les gouvernements prennent des positions visant à rassurer.»
«En plus, il y a volte-face, car au final, il finit par se ranger à l’avis de tout le monde, à savoir qu’il faut porter des masques et respecter les gestes barrières. Ce n’est pas cohérent.»
Une séquence politique qui étonne grandement Olivier Piton, qui note que Donald Trump a tout de même eu jusqu’à présent un flair politique impressionnant.
«C’est beaucoup d’erreurs pour quelqu’un qui, au cours des 3,5 premières années de son mandat, n’avait commis quasiment aucune faute d’un point de vue électoral.»
Il reste encore 98 jours à Donald Trump avant l’élection présidentielle américaine pour rattraper l’avance confortable de Joe Biden dans les sondages.