«Il existe une école de pensée qui dit que continuer à traiter l’espace comme un sanctuaire exempt de conflits armés est une sorte de course folle», expliquait en 2018 John Lodgson, directeur de la Space Policy Institute à Washington, au magazine Space.com.
Les grandes puissances de ce monde l’ont compris, et elles se préparent toutes à pouvoir se défendre dans l’arène de combats de demain. La Russie et la Chine ont toutes deux lancé leurs forces spatiales en 2015, les États-Unis ont créé la leur en 2019, et la France s’apprête à créer la sienne. Un retard qui pourrait coûter à l’armée française:
«Les armées occidentales estimaient jusqu’à ces derniers temps qu’il n’y avait aucun sens à développer des forces de combat électronique. D’où leur retard difficile à rattraper et la percée des systèmes russes n’ayant pas, de fait, d’analogue au monde», expliquait à Sputnik l’expert militaire Alekseï Léonkov.
De son côté, Washington a déjà doté sa «space force» de sa première arme offensive en mars dernier. Un nouveau système de brouillage des signaux des satellites ennemis a récemment été déployé sur une base militaire dans le Colorado.
La France à la traîne sur le militaire spatial
Annoncée en grande pompe à l’été 2019, la Force spatiale française commence lentement à prendre forme. Ce 24 juillet, Florence Parly, ministre des Armées, a officialisé la transformation de l’armée de l’Air en «armée de l’Air et de l’Espace.»
La ministre des Armées justifie la création de cette force par le fait qu’il y a un «passage d’une vision d’un espace "bien commun", au service de la science, à un espace dans lequel les puissances continuent de se disputer la suprématie mondiale».
Une nécessité pour la France, qui a appris à ses dépens que l’espace est une arène comme les autres de concurrence entre puissances.
«La compétition entre les forces armées se déplace vers le terrain spatial […] Cela est historiquement inévitable et constitue un développement irréversible», estimait déjà en 2009 Xu Qiliang, ancien numéro Un de l’Armée de l’air chinoise.
Ce 24 juillet encore, Washington a accusé Moscou d’avoir testé une arme qui pourrait être utilisée pour détruire des satellites dans l’espace, s’inquiétant d’une menace «réelle, sérieuse et croissante.» Moscou a nié en bloc les accusations américaines, mais cet épisode est révélateur des tensions que réserve l’avenir.
Modernisation de l’ensemble des forces françaises
Et pourtant, Florence Parly refuse d’employer un lexique guerrier concernant la création de cette force. C’est d’ailleurs encore le cas de beaucoup acteurs qui sont actuellement en train de militariser leurs capacités spatiales. En mars 2019, l’Inde avait testé avec succès un missile capable d’abattre un satellite en orbite basse. Le Premier ministre indien avait alors pris soin de préciser que:
«Le but est d’établir la paix et pas de créer une atmosphère de guerre. Ceci n’est dirigé contre aucun pays.»
En France, la «défense active» sera la doctrine employée par les militaires français dans l’espace. En quoi cela consiste-t-il? D’une part, de se doter de moyens spatiaux d’observation, avec notamment des caméras embarquées, et d’autre part des contre-mesures en cas d’agression: manœuvres d’esquive, actions cyber, leurrage, lasers aveuglants d’éventuels engins hostiles.
Pour se donner les moyens de ses ambitions spatiales, le gouvernement prévoit d’injecter 4,3 milliards d’euros dans le cadre de la Loi de programmation militaire (2019-2025). Le commandement de la force spatiale française comprendra un effectif de 200 personnes, qui grimpera à 500 en 2025. Loin des 16.000 militaires et civils qui composent la «space force» américaine.
La création de cette force s’inscrit dans une logique de modernisation de tous les corps armés. Pour financer celle-ci, la ministre des Armées espère faire passer l’effort de Défense, qui était de 1,78% du PIB en 2017, à 2% du PIB en 2020. Blindés, fusils, casques, pare-balles… Une grande partie des équipements seront renouvelés d’ici à 2025, si les délais sont tenus. Mais face à la modernisation croissante des armées les plus à la pointe technologiquement, n’est-ce pas trop peu, trop tard?