«Le virus est toujours là, soyons responsables!»
Tel est le message que le gouvernement ivoirien adresse continuellement aux citoyens sur ses réseaux sociaux et parfois aussi par SMS.
Interrogé par Sputnik sur les raisons de l’explosion du nombre de contaminations au Covid-19 observée actuellement en Côte d’Ivoire, et en particulier à Abidjan et sa périphérie (épicentre de la pandémie avec 96% de cas positifs), le médecin épidémiologiste Davy Kélamaé Oulaï l’explique par le fait «qu’il n’y a manifestement pas encore eu de rupture de la chaîne de contamination».
«À observer la situation de la Côte d’Ivoire, on a l’impression qu’on est encore loin d’avoir passé le pic épidémique. Et le non-respect des gestes barrières favorise inévitablement la propagation du virus. Normalement, il aurait d’abord fallu confiner les populations pour briser la chaîne de contamination, et ensuite gérer les cas qui se seraient présentés (par un traitement ou une hospitalisation au besoin), et une fois le pic épidémique franchi, le déconfinement serait intervenu», explique ce spécialiste.
Pour enrayer la propagation du coronavirus, le gouvernement ivoirien avait choisi, fin mars, d’isoler Abidjan du reste du pays. Mais l’isolement d’Abidjan, encore présenté le 25 juin comme une «stratégie aux résultats probants», prendra fin à partir du 15 juillet.
Cette décision prise le 13 juillet lors d’un Conseil national de sécurité surprend certains spécialistes de la santé, d’autant plus que les facteurs qui ont conduit à l'isolement de la ville sont loin d'avoir été écartés ou réglés.
Les autorités ivoiriennes justifient en partie leur décision par le fait que «le taux de positivité –indépendamment du nombre de cas qui continue de croître– enregistre une baisse relative pour s’établir en moyenne autour de 15% à 20%, contre 41% à la mi-juin, et que le taux de décès est resté à 0,7%, soit l’un des plus faibles en Afrique».
Sur ce point, Davy Kélamaé Oulaï fait savoir que le taux de positivité est un outil fiable mais auquel il convient d'ajouter d'autres pour plus d'efficacité.
«Le taux de positivité est le nombre de cas diagnostiqués positifs par rapport au nombre de tests réalisés. C'est un outil fiable utilisé en épidémiologie pour prendre des décisions, mais il n'est pas le seul. En France par exemple, quatre outils sont employés: le taux de positivité, le taux de prévalence, le taux d'hospitalisation et les facteurs de reproduction du virus. C'est à partir de ces quatre paramètres qu'ont été déterminées des zones dites vertes et des zones rouges.»
Pour de nombreux internautes, inquiets de la levée de l'isolement d'Abidjan, il ne fait aucun doute que cette décision est essentiellement motivée par les obsèques du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, décédé le 8 juillet à Abidjan.
Des obsèques à haut risque sanitaire
En Afrique, les naissances et les funérailles sont toujours des moments de retrouvailles, de rassemblement. Les obsèques d’Amadou Gon Coulibaly n’échapperont pas à cette règle.
«Il est certain que les cérémonies d’hommage au Premier ministre vont drainer du monde. Et ce que le coronavirus affectionne, c’est justement la foule, les contacts. Il faudra donc impérativement que le gouvernement limite le nombre de personnes qui vont y assister et fasse respecter, autant que possible, les mesures de distanciation», a déclaré Davy Kélamaé Oulaï.
Les rassemblements de plus de 50 personnes sont actuellement interdits à Abidjan. Mais le 15 juillet, un hommage au défunt Premier ministre a réuni près de 10.000 personnes au Palais des sports d'Abidjan.
Cependant, pour l’épidémiologiste, «ce qui reste le plus à craindre, ce sont les voyages que personnalités et anonymes vont effectuer en masse depuis Abidjan jusqu’à Korhogo (569 km au nord de la capitale)» où sera inhumé Amadou Gon Coulibaly.
«Il y a un danger sanitaire réel qui menace la Côte d’Ivoire à l’occasion de ces obsèques», a-t-il conclu.