«Commenter l’accent de Jean Castex, c’est pathétique», avait dénoncé le député de l’Hérault Christophe Euzet le 8 juillet auprès de 20 Minutes. Depuis la passation de pouvoir, l’accent du Gers du Premier ministre a en effet suscité plusieurs moqueries. Ce dimanche 12 juillet, La Dépêche du Midi, diffusée en Occitanie, est revenue sur cette forme de discrimination, sa Une soulignant notamment que «l’accent est un handicap».
«"Qu’est-ce y la mon assang?" Rocailleux, chantant ou "à couper au couteau", l’accent donne de la couleur aux mots quand d’autres y voient plutôt la langue des ploucs», lance le journaliste Frédéric Abéla dans son article «Discrimination à l’accent: pourquoi tant de haine?».
Au-delà de certains commentaires sur les réseaux sociaux, M.Castex a même été la cible de clichés dans la presse, en témoigne ce commentaire de Bruno Jeudy, du magazine Paris Match: «Le nouveau Premier ministre n’est pas là pour chercher la lumière. Son accent rocailleux façon troisième mi-temps de rugby affirme bien le style terroir».
C’est dans ce même journal que s’est également exprimé Jean-Michel Aphatie, co-auteur du livre «J’ai un accent, et alors?». L’ouvrage alerte des dangers d’une «standardisation» de la langue et rappelle que certains métiers dans le cinéma, les milieux universitaires ou politiques sont «quasiment interdits» pour les personnes qui s’expriment avec un «mauvais accent».
«Marqueur d’une région, reflet d’une identité locale haute en couleurs, l’accent, lorsqu’il s’affirme, a aussi pour mission la défense de son territoire et d’un patrimoine», défend le quotidien basé à Toulouse, avant de dénoncer une «sempiternelle rivalité» entre les provinces et leurs spécificités linguistiques et le parlé «normé» de Paris où se situe l’essentiel du pouvoir.
La «glottophobie institutionalisée»
Le sociolinguiste Philippe Blanchard, qui revendique la création du concept de «glottophobie», soit la discrimination d’un individu en raison de son accent, a expliqué pour France 3 pourquoi Jean Castex avait suscité de telles réactions. «C'est de la glottophobie institutionnalisée. Dès lors que l'on remarque l'accent d'une personne, c'est rarement pour le valoriser», a-t-il estimé.
Selon lui, évoquer l’accent de quelqu’un est souvent teinté de condescendance. «Même dit gentiment, il y a un sous-entendu d'incompétence». Revenant sur le Premier ministre, il affirme que «plusieurs ministres ont déjà ressenti cela». «On leur a fait sentir qu'avec leur accent, ils ne pourraient réaliser qu'une carrière essentiellement locale. Il y a barrage». Il note cependant que sa nomination à la tête du gouvernement est «un beau signal».