Huawei ne fera pas l'objet d'un «bannissement total» mais les opérateurs français l'utilisant vont, au mieux, recevoir des autorisations d'exploitation limitées à huit ans, selon l'Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques (Anssi).
«Ce que je peux dire, c'est qu'il n'y aura pas un bannissement total. Les opérateurs qui n'utilisent pas Huawei, nous les incitons à ne pas y aller car c'est un peu le sens naturel des choses. Ceux qui l'utilisent déjà, nous délivrons des autorisations dont la durée varie entre trois et huit ans», a déclaré Guillaume Poupard, le directeur général de l'Anssi, chargée par le gouvernement d'instruire ce dossier, dans un entretien au journal Les Echos.
Seul Huawei est concerné
«Les décisions sont prêtes», a déclaré M.Poupard, confirmant une information de l'AFP mardi selon laquelle ces décisions n'attendent plus que d'être signées par l'exécutif.
Seuls trois équipementiers télécoms, les européens Nokia et Ericsson et le chinois Huawei, sont capables de fournir les équipements pour les futurs réseaux 5G, le système de télécommunications mobile en développement.
«Il y aura des refus», a indiqué M.Poupard aux Echos, excluant toutefois que ces refus concernent Nokia et Ericsson, et indiquant ainsi en creux que seul Huawei est concerné.
Ces décisions, qui vont bien au-delà du simple aspect industriel, interviennent sur fonds de tensions diplomatiques persistantes entre Washington et Pékin: les États-Unis font en effet pression sur leurs alliés pour qu'ils bannissent Huawei pour raison de sécurité, invoquant sa proximité avec le gouvernement chinois. L'entreprise a toujours démenti ces allégations.
Quoi qu'il en soit, l'enjeu est particulièrement important en France pour les opérateurs SFR (Altice) et Bouygues Telecom qui utilisent déjà des antennes Huawei dans leurs réseaux 4G et veulent s'appuyer dessus pour déployer la 5G.
Alors que l'Arcep, le régulateur des télécoms, a fixé à septembre les enchères pour l'attribution des nouvelles fréquences et que les premières offres commerciales pourraient être disponibles en France avant la fin de l'année, les deux opérateurs s'inquiètent de devoir changer d'équipementier, ou même démonter leurs anciens équipements en cas d'incompatibilité.
Le plan en cas de bannissement de Huawei
Ils ont prévenu qu'ils demanderont une compensation si l'État barre la route au groupe chinois.
«Ce que l'on fait sur la 5G en France, c'est un compromis. Il faut développer la 5G dans des conditions économiques acceptables pour les opérateurs télécoms et aussi souveraines, qui nous permettent de ne pas être dépendants de tel ou tel équipement ou pays», a tenté de déminer le directeur de l'Anssi.
«Beaucoup d'antennes installées sont compatibles avec la 5G», a-t-il notamment réagi au sujet du caractère dissuasif de ces restrictions, compte tenu du montant à investir pour les opérateurs.
«Nous ne sommes pas dans du Huawei bashing, ni dans du racisme antichinois», a assuré M.Poupard.
«Voilà tout le sens de la discussion avec les opérateurs télécoms sur le choix de leurs équipementiers. Ce n'est pas un procès d'intention que l'on fait à telle entreprise ou tel pays. La question, c'est juste celle de la souveraineté», a conclu M.Poupard.
Une autre inconnue pèse sur le déploiement de cette nouvelle technologie: le 21 juin, la ministre de la transition écologique Elisabeth Borne a annoncé avoir demandé au Premier ministre d'attendre l'évaluation des effets sanitaires de la 5G par l'Anses - espérée pour la fin du premier trimestre 2021 - avant de la déployer.
Le Conseil d'État, saisi par des associations inquiètes des potentiels effets néfastes de la 5G sur la santé et l'environnement, doit se prononcer prochainement.