Après six jours de vote, entre le 25 juin et 1er juillet, les Russes ont adopté à 77,92% des suffrages exprimés la réforme de la Constitution en place depuis décembre 1993.
L’exercice n’était pas aisé, puisqu’il s’agissait de 206 changements, pour lesquels le bulletin de vote prévoyait seulement deux cases, accord ou désaccord. Les amendements touchent des sphères très diverses de la société russe: vision historique du pays et de son système politique, valeurs familiales et droits de l’homme, pouvoir local, etc. Or, l’attention des médias s’est le plus souvent focalisée sur la suppression de la limite de deux mandats présidentiels successifs.
Une dizaine d’eurodéputés français sur place
La tradition d’accueillir des observateurs étrangers lors des scrutins se maintient en Russie. Ainsi, parmi les 500.000 observateurs volontaires indépendants qui ont sillonné le pays, se trouvaient, notamment à Moscou et en Crimée, plusieurs eurodéputés français.
Hélène Laporte, députée européenne (RN) du Lot-et-Garonne, qui fait partie de la «dizaine de députés à se répartir entre Moscou et la Crimée», assure au micro de Sputnik avoir été satisfaite de son déplacement.
«Il n’y a aucun autre pays qui permette ainsi aux observateurs d’aller voir comment se passe le processus du referendum, d’autant plus que nous sommes dans la situation particulière de la fin de pandémie de coronavirus», souligne Hélène Laporte.
«Surtout, personne n’a été oublié. Avec des malles sécurisées, on peut aller récupérer les votes à domicile, chez une personne handicapée ou qui ne peut se déplacer. Les autorités ont essayé d’organiser un referendum qui couvre tout le territoire pour permettre à tous les Russes de se prononcer», précise la députée.
L’élue cite également «255 bureaux de vote installés dans 144 pays», qui ont permis aux citoyens russes résidant à l’étranger de s’exprimer, et a fait part de ses rencontres avec des observateurs étrangers venus à Moscou, notamment «des Brésiliens, des Italiens».
«Une Constitution a besoin d’évoluer. Objectivement, il s’agit d’une grande part donnée au peuple», souligne Hélène Laporte.
D’après Mikhaïl Malychev, chef de la commission électorale de Crimée, au 1er juillet à midi, le dernier jour du vote, la participation dans la péninsule criméenne avait atteint 72,45%. Un chiffre plus de vingt points au-dessus de la moyenne d’autres régions russes. Les Criméens ont adopté à 90,07% des suffrages exprimés la réforme constitutionnelle.
En Crimée, la délégation française irrite Kiev
Le bon déroulement du vote a été contrôlé par plus de 3.000 observateurs publics, dont quelques étrangers. Mardi 30 juin, une délégation française est arrivée en Crimée pour évaluer le déroulement du vote dans la péninsule.
«Nous accueillons une délégation française, composée de sept personnes, dont cinq membres du Parlement européen. Aucun événement culturel n’est prévu pendant le séjour, il s’agit d’une visite purement professionnelle. Ils visiteront les bureaux de vote de la “Grande Yalta” [ville de Yalta et communes limitrophes, ndlr] et de Simferopol», a déclaré à Ria Novosti Yuri Guempel, chef de la commission du Parlement de Crimée sur la diplomatie nationale.
La présence des Français en Crimée n’est pas passée inaperçue: le ministère ukrainien des Affaires étrangères a demandé à Paris de «répondre officiellement» à la visite des députés français conduits par Thierry Mariani en Crimée.
Lors d’une réunion avec Étienne de Ponsen, ambassadeur de France en Ukraine, Eminé Djaparova, première vice-ministre des Affaires étrangères d’Ukraine, «a attiré l’attention de l’ambassadeur sur le caractère inadmissible des contacts» entre citoyens français et représentants de «l’administration d’occupation» de la Fédération de Russie dans «les territoires temporairement occupés de l’Ukraine».
L’ambassadeur de France, pour sa part, a confirmé la position inchangée des autorités françaises «en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine» et a assuré qu’il transmettrait au Quai d’Orsay la déclaration des diplomates ukrainiens.
Le vote électronique au centre d’inquiétudes sur sa sécurité
La Constitution de la Fédération de Russie est restée inchangée de 1993 à 2008 et depuis, elle a été amendée à quatre reprises. Les premières réformes concernaient le changement de durée des mandats du Président et des députés de la Douma d’État (le Parlement russe). Puis, un amendement a mis en place l’obligation d’un rapport annuel du gouvernement auprès de la Douma d’État. La dernière modification en date prévoyait la fusion de la Cour suprême et de la Cour suprême d’arbitrage, respectivement plus haute juridiction russe et cour spécialisée dans l’arbitrage de litiges économiques.
Le développeur du système insiste au contraire sur sa complète sécurisation. La voix de chaque votant est cryptée à l’aide d’une clé spéciale. Puis, une clé de déchiffrement, partagée entre cinq assesseurs, est créée afin de garder l’anonymat. Une fois le vote clos, ces cinq clés –sur support de stockage amovible– sont combinées et téléchargées dans le système pour le décryptage, afin de connaître le résultat du vote.
Les habitants de Moscou et de la région de Nijni Novgorod ont ainsi pu donner leurs voix en ligne dès le 25 juin. D’après les données de la Commission électorale centrale, au total, 1,19 million d’électeurs figuraient sur les listes de vote électronique (dont 1,051 million à Moscou). Le choix de ces deux régions était justifié par l’importance du scrutin, potentiellement mis en danger par l’épidémie de coronavirus et la période estivale à Moscou, où, historiquement, l’activité électorale est faible.
D’après Artem Kostyrko, chef du département des projets numériques du gouvernement moscovite, le décryptage des résultats du vote électronique a été effectué le 1er juillet.