Les guides-conférenciers «sortent de l’ombre» pour manifester à travers la France

Ce 22 juin, les guides-conférenciers ont organisé une action de protestation sur douze sites emblématiques en France, afin d’exiger l’abrogation de la directive Pôle Emploi et l’aménagement d’une annexe spécifique pour leur filière. Les représentants de deux fédérations de guides décrivent pour Sputnik le naufrage post-Covid-19 de leur métier.
Sputnik

La fermeture des frontières et la disparition complète des touristes, notamment des voyages organisés, a laissé sans emploi des centaines de guides-conférenciers. Le 12 juin dernier, le ministère de la Culture a annoncé des mesures de soutien pour les guides-conférenciers, privés d’activité à cause du Covid-19. Mais dans la mosaïque de leurs statuts — autoentrepreneurs, salariés (avec différentes durées de contrats), «statuts mixtes» —, tous n’ont pas droit au même traitement.

​La Fédération des Métiers intermittents du tourisme, de l’événementiel & de la culture (FMITEC) a décidé de sortir de l’ombre et de faire entendre la voix de ces «oubliés du plan tourisme». Une catégorie de plus donc, après les chauffeurs de bus et les vacataires de la restauration.

Le métier de guide-conférencier à l’arrêt complet lors de la pandémie

Souhaitant «avant tout» mettre en lumière la Fédération, Patrick Pavesi, président de la FMITEC et guide-conférencier œuvrant dans la région Côte d’Azur depuis 33 ans, décrit au micro de Sputnik l’action organisée simultanément sur 12 sites en France, qui «réunit peu de personnes: des représentants de la FMITEC et des élus locaux».

Les guides-conférenciers «sortent de l’ombre» pour manifester à travers la France
«Notre revendication est la revendication de tout le monde. Tous les intermittents de l’emploi demandent la même chose: l’abrogation de la directive Pôle Emploi [le décret du 30 décembre 2018, ndlr] et une rediscussion avec aménagement d’une annexe spécifique pour nos métiers autour d’un secteur très vaste: tourisme, événementiel et culture», précise Patrick Pavesi.

La période du confinement a fait des ravages dans le métier:

«La totalité des professionnels – accompagnateurs de voyage, responsables logistique de l’événementiel, de séminaires et de congrès – n’a pas travaillé et ne travaille toujours pas», assure Patrick Pavesi.

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Aujourd’hui, certains guides-conférenciers reprennent «péniblement» leur activité, en lien avec les offices du tourisme, dans des conditions que le président de la FMITEC ne qualifie pas de «normales»: la distanciation et le masque (ou la visière) posent problème pour l’«art oral». Mais les difficultés techniques sont un problème moindre, face à celui du marché du travail désertique:

«Pour certains secteurs, tels que le tourisme d’affaires, on est complètement à l’arrêt jusqu’en avril 2021, sans aucune possibilité de travail», détaille Patrick Pavesi.

La filière de la croisière de luxe accuse un arrêt complet, impensable il y a quelque mois. Ce rêve de certains écologistes laisse à quai non seulement les idéaux glamour de belle vie, mais des centaines de métiers gravitant autour de cette activité, ainsi que d'autres Intermittents Hors Spectacles: guides-conférenciers, accompagnateurs, chargés de projets logistique ou production, hôtesses, régisseurs, superviseurs et coordinateurs d’événement, «extras» de la restauration, animateurs événementiel….

La croisière ne s’amuse plus

Le confinement a sonné l’heure de l’arrêt complet pour de nombreux professionnels de la Côte d’Azur, qui travaillent dans le tourisme d’affaires, une filière aussi intéressante pour les palaces et les palais des congrès que pour les compagnies de bus ou de limousines, pour les restaurants et les prestataires d’activités sportives ou de loisirs.

«L’un de mes partenaires, propriétaire d’une entreprise de location de vélos, a déjà vendu une partie de ses vélos, récemment achetés neufs. Les vélos restants ne sortiront pas avant l’année prochaine, puisque les grosses agences d’organisation n’ont pas de confirmation pour leurs carnets de commandes», déplore Patrick Pavesi.

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Effectivement, la date du 22 juin marque une nouvelle vague d’ouvertures: cinémas, centres de vacances et casinos, mais aussi musées, sites historiques, châteaux et jardins attireront des touristes individuels et «une toute petite partie de la profession de guide» reprend le travail. Ce ne sera pas le cas de la plupart de guides-conférenciers des côtes méditerranéennes et de Corse, qui travaillent avec les bateaux de croisière, que l’on n’attend pas avant 2021.

Les guides-conférenciers tentent également la manifestation en solo

Le nom générique de «guide-conférencier» a été trouvé suite à une réforme d’État en 2012, afin d’uniformiser le paysage complexe du métier. Mais les anciens guides-interprètes, guides des pays et des villes d’Art et d’histoire ou guides-accompagnateurs restent naturellement fidèles à leurs groupements.

Marion, adhérente à la Fédération Nationale des Guides Interprètes conférenciers (FNGIC), fait partie d’un groupe de guides-conférenciers qui pense «qu’il faudrait s’unir autour du métier, plutôt qu’autour d’un statut» pour se faire entendre.

«La différence de statut fait qu’aujourd’hui, les guides-conférenciers ne voient pas la situation de la même manière. En tant qu’autoentrepreneur, je ne suis pas “sauvée”, mais j’ai un filet de sécurité et bénéficie du plan tourisme», explique Marion.

Tout le monde n’a pas cette chance, notamment les salariés qui sont arrivés en fin de droits au chômage à la veille des mois de mars à octobre, qui leur procurent l’essentiel de leurs heures de travail ouvrant leur droit au chômage pour la période qui suit. Après la crise sanitaire, la saison n’a pas commencé et on ne sait pas quand elle débutera, donc, «n’étant pas sereins pour la suite», les guides-conférenciers se battent pour leur gagne-pain.

​Chaque association ou syndicat représentant les guides-conférenciers a son point de vue: «là aussi, on est assez désunis», regrette Marion. Pour avoir le maximum d’information, certains guides adhèrent à toutes les associations. Mais certains se lancent aussi dans la revendication individuelle. C’est le choix de Marion.

«J’en ai parlé sur ma page Facebook, sur Twitter, dans mon blog. Je travaille dans la “niche” des scolaires. Là, c’est fini, les scolaires ne sortent plus. Je sais que je n’aurai pas de travail jusqu’au mois de septembre», raconte Marion au micro de Sputnik.

L’avantage de sa situation – elle bénéficie du fonds de solidarité du gouvernement – ne l’empêche pas de se consacrer à sa «grande famille» touristique: «Nous sommes en train de nous unir pour rendre les actions individuelles plus visibles et d’une plus grande ampleur pour être entendus», assure la guide.

«Certains guides, ceux qui ont des groupes de trois ou quatre personnes de leur région, parviennent à travailler un peu à l’extérieur. Mais ceux qui travaillent à l’international, par exemple avec les entreprises américaines ou avec des groupes chinois, n’ont plus rien», déplore Marion.

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Dans le contexte post-Covid-19, les professionnels du tourisme essayent de faire revenir le public dans leur région coûte que coûte. Tous les moyens sont bons, même s’ils vont à l’encontre de la solidarité corporatiste et laissent sur le bas-côté les guides-conférenciers qui ont fait beaucoup d’études au profit d’«accompagnateurs locaux», les fameux «greeters»…

​Le combat «pour que la profession soit reconnue par le grand public» s’annonce difficile, d’autant plus que le secteur souffre de l’«uberisation». Certains collègues de Marion ont fait des thèses, «ce sont les cadors de leur métier», ce qui n’empêche pas se faire damner le pion par les «greeters» ou des gens, «passionnés et professionnels par ailleurs», mais qui n’ont pas de diplôme. «En réalité, il y a assez de travail pour tous», souligne Marion, il suffirait d’avoir un petit coup de pouce en attendant la reprise.

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