Validé par JPMorgan, le bitcoin est-il l’investissement à faire face au désastre économique?

La célèbre banque d’affaires JPMorgan a jugé les résultats du bitcoin «positifs». En ces temps compliqués pour l’économie, la plus célèbre des cryptomonnaies consolide sa position de valeur refuge. L’économiste Philippe Herlin, auteur de «J’achète du bitcoin», livre son analyse de la situation à Sputnik France.
Sputnik

Nous sommes en septembre 2017. Jamie Dimon, le très puissant boss de JPMorgan, l’une des plus grandes banques d’affaires américaines, qualifie le bitcoin de «fraude». Quelques mois plus tard, il dira «regretter» ses propos.

«La blockchain est réelle», lancera-t-il. Avant d’ajouter:

«Vous pouvez avoir des cryptodollars en yen et des trucs comme ça. ICOs [méthode de levée de fonds, ndlr]... Vous devez regarder chacune individuellement. J’ai toujours pensé le bitcoin par rapport à la manière dont les gouvernements allaient réagir quand cela deviendrait gros. Et j'ai juste une opinion différente de celle des autres.»

Dans un récent rapport à propos de la crise économique causée par la pandémie de coronavirus, JPMorgan a possiblement fait passer le bitcoin dans une autre dimension. Intitulé «La cryptomonnaie passe son premier stress test: or numérique, pyrite, ou quelque chose entre les deux», l’étude juge que le bitcoin a des résultats «plutôt positifs». Un blanc-seing?

«Bien que la bulle se soit effondrée de manière aussi spectaculaire qu’elle s’est gonflée, les bitcoins se sont rarement échangés en dessous du coût de production, y compris dans les conditions très désordonnées qui ont prévalu en mars», note le rapport de JPMorgan.

Les cryptomonnaies auraient ainsi démontré leur «longévité en tant que classe d’actifs» durant la tempête qui a soufflé sur les marchés financiers en mars.

Sortir du secteur bancaire

À l’époque, la valeur du bitcoin s’était effondrée pour passer sous les 4.000 dollars. Depuis, son cours suit une pente ascendante et avoisine les 9.500 dollars ce 16 juin.

Comment analyser un tel revirement d’opinion de la part de JPMorgan. Philippe Herlin, docteur en économie, chroniqueur pour Or.fr et spécialiste du bitcoin, a sa petite idée. Il l’a confiée au micro de Sputnik:

«Il y a une raison très ponctuelle: Coinbase, qui est une plateforme d’échanges importante pour le bitcoin, est récemment devenue cliente de JPMorgan. À partir de ce moment-là, il devient difficile de cracher dessus. D’une manière plus générale, les "institutionnels de la finance" s’intéressent de plus en plus à cette cryptomonnaie et en achètent. JPMorgan travaille majoritairement avec des clients "institutionnels" et ne peut donc pas faire l’impasse sur le bitcoin.»

Reste que JPMorgan note que la cryptomonnaie, comme le reste de ses équivalents, est soumise à de fortes fluctuations. Le 15 juin, pour la première fois depuis le mois de mai, le bitcoin est passé sous la barre des 9.000 dollars dans le sillage des tensions qui touchent les marchés. La crainte d’une deuxième vague d’infections au Covid-19 est passée par là. La chute a été rude: -5,1%. Investir dans le bitcoin est-il hasardeux? Pas pour Philippe Herlin:

«Cela peut être dangereux mais il faut garder à l’esprit qu’un actif refuge est un investissement qui se fait sur une certaine durée. Le bitcoin n’est pas destiné à s’acheter et se revendre sur une courte durée. C’est le même cas pour l’or, l’immobilier ou les œuvres d’art. C’est une position que l’on prend sur plusieurs années. Si l’on regarde les performances du bitcoin sur le long terme, l’on s’aperçoit qu’elles sont tout à fait enviables.»

Son de cloche différent du côté des analystes de JPMorgan: «Le bitcoin semble être corrélé à des actifs risqués comme les actions». «L’action sur les prix indique qu’elles continuent à être utilisées davantage comme un véhicule de spéculation que comme un moyen d’échange ou une réserve de valeur», détaillent-ils.

​Reste que selon l’analyse de JPMorgan, les cryptomonnaies se sont mieux comportées que les actions, devises ou autres bons du trésor durant la crise.

«Je pense que la chute du bitcoin s’explique par les ventes que nous avons également constatées en actions la semaine dernière», analysait ainsi Vijay Ayyar, responsable du développement commercial chez crypto exchange Luno et cité par L’Écho.

«Le bitcoin est plus volatile que l’or. Mais au mois de mars, quand les marchés financiers se sont effondrés, le cours de l’or a également baissé. De nombreux acteurs en bourse devaient répondre à des appels de marge et trouver rapidement des liquidités. Le bitcoin, comme l’or, sont des actifs très liquides que l’on peut vendre rapidement. Ceci explique en grande partie la baisse constatée en mars. Le marché du bitcoin est également limité en taille. Les ventes importantes le font donc s’effondrer plus rapidement. Mais il remonte très vite», analyse Philippe Herlin.

«Nous avons exploité la liquidité au niveau de 10.000 dollars et nous redescendons maintenant. Je m'attends à ce que le seuil de 8.500 dollars soit conservé un certain temps, mais sinon, nous envisageons 7.700 dollars puis 7.100 dollars», prédisait Vijay Ayyar.

Vers des faillites de banques européennes? «Ce n’est pas totalement à exclure»

Le bitcoin a déjà battu ses prévisions à en regarder son cours du 16 juin. Jusqu’où peut-il monter?

«Le bitcoin comme l’or permettent de sortir du secteur bancaire. Cela vous protège en cas de crise financière. D’autre part, un tel investissement vous protège en cas d’inflation forte, ce qui est une possibilité vu à quel point les banques centrales font tourner la planche à billets», explique Philippe Herlin. Et de conclure:

«Cette cryptomonnaie a prouvé que c’était un actif solide. Et elle est volatile à la hausse. La courbe sur plusieurs années est ascendante. Cela est plus rassurant d’être sur un actif pareil que sur une devise ou une action qui, non seulement peut être plus volatile, mais risque davantage de s’effondrer.»
Discuter