Un édito de Jacques Sapir à retrouver en podcast dans l’émission Russeurope Express du 11 juin.
La «deuxième vague» de l’épidémie, dont on parle tant, pourrait-elle être celle du chômage? Quelle serait son ampleur? Avec quelles conséquences sociales?
La Dares du ministère du Travail annonçait il y a quelques jours une forte remontée du nombre des personnes inscrites en catégorie A: 827.000 en avril, après 243.000 en mars. Qu’y a-t-il derrière ces chiffres? Il faut d’abord rappeler ce que signifient ces catégories: il y a la fameuse catégorie A, qui regroupe les personnes sans emploi faisant des actes dits «positifs» de recherche, puis les catégories B et C, dans lesquelles on classe les temps partiels, respectivement en dessous et au-dessus de 78 heures par mois, et enfin la catégorie D, celle des personnes sans emploi mais dispensées, pour diverses raisons comme la grossesse, de rechercher activement un travail.
Mais quand on regarde bien les chiffres, on constate que cette augmentation vient essentiellement du transfert des inscrits des catégories B et C vers la catégorie A. On constate alors la montée très forte de l’ensemble A+D, qui passe de 3,5 à 4,6 millions en deux mois.
On constate aussi que l’ensemble, en incluant les catégories B et C, augmente bien moins. Il passe de 5,7 à 6,1 millions. En fait, les catégories B et C ont brutalement décru, passant de 2,2 à 1,5 millions. Ces personnes qui composent les catégories B et C enchaînent petits boulots et contrats d’intérim. Ce sont des travailleurs précaires, qu’ils soient dans le bâtiment, les services ou l’hôtellerie-restauration. Et ce sont eux qui ont été les premières victimes du confinement.
Et puis l’on peut craindre que de nombreuses entreprises qui reprennent actuellement, confrontées à une demande qui reste faible, sombrent durant l’été qui vient. De l’automobile, avec le cas de Renault, à la grande distribution, en passant par certaines marques de prêt-à-porter, on voit que c’est une vague de licenciements qui est en train de se lever.
En effet, une baisse du revenu conduirait à une nouvelle baisse de l’activité, qui pousserait à son tour les entreprises à demander une nouvelle baisse du revenu des salariés. Bref, ce qui est à craindre, c’est bien qu’à peine serions-nous sortis de la pandémie que nous tomberions dans le gouffre de la déflation.
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