Ben & Jerrie’s appelant sur Twitter à mettre fin à la «suprématie blanche», Uber offrant la livraison à des commandes auprès de restaurants «détenus par des noirs». Les plus grandes marques ont, elles aussi, contribué à la ferveur mondiale, dans la foulée de la mort tragique de George Floyd. Le refus de toute discrimination, idéologie de la décennie? Quand on lui pose la question, l’avocat Thibault Mercier, président du cercle Droit et liberté, nous corrige du tac au tac:
«On est bien loin de mesures dites “anti-discriminatoires”! Il apparaît plutôt que la déclaration de Ben & Jerries est, si ce n’est une incitation à la haine et à la violence, à tout le moins une incitation à la discrimination “à raison de la race.”»
L’heure est à la contrition publique
Si les mises en scène de séances de contrition publique ont envahi le Web, dévoilant des policiers ou des «blancs» à genoux, priant pour expier leurs supposés péchés racistes, le monde des affaires n’a pas non plus manqué d’être touché: «les grandes entreprises, et particulièrement leurs services de communication, suivent l’opinion publique –qui n’est pas nécessairement l’opinion majoritaire, rappelons-le utilement– par conformisme plus que par intérêt.»
Si la France semble pour l’heure encore relativement préservée, des bouleversements seraient-ils à prévoir? Chez les voisins allemands, c’est le cas: à Berlin, une loi vient de passer, inversant la charge de la preuve sur fond de lutte contre les discriminations raciales: en cas de violences policières, ce sera aux forces de l’ordre de prouver qu’elles n’enfreignent pas la Loi. À quand en France? «L’envie du pénal est toujours très intense dans notre pays», estime Me Mercier:
«Il n’est pas impossible que le gouvernement ou la majorité parlementaire nous annonce un projet de loi pour étoffer le dispositif anti-discriminatoire.»
Dans son essai Athéna à la borne, discriminer ou disparaître (Éd. PGDR, 2019), notre interlocuteur recensait «pas moins de 25 chefs de discriminations interdites en France.» Les bonnes intentions auraient donc généré selon lui un véritable système menaçant «le moindre choix d’être assimilé à l’une de ces discriminations interdites.»
Le premier flic de France à genoux?
Mais avant même de penser aux lois, Me Mercier rappelle que les termes du débat public sont déjà imperceptiblement modifiés, l’actualité en donnant des exemples quotidiens, sous la pression évidente du Comité Adama.
En cause ici: les déclarations successives du ministre de l’Intérieur, annonçant la fin des contrôles d’identité comme «critère d’évaluation d’activité» ou encore la «suspension systématique» des policiers en cas de «soupçon avéré de racisme.» Un «oxymore», selon notre interlocuteur, mais surtout la preuve d’un abandon supplémentaire du pouvoir politique face à l’idéologie anti-discriminatoire. De quoi révolter notre interlocuteur: «l’émotion dépasse les règles juridiques», a déclaré par ailleurs Christophe Castaner en évoquant les manifestations non autorisées du comité Adama. Un véritable aveu selon Thibault Mercier: «c’est désormais l’opinion médiatique et les réseaux sociaux qui font Loi.»
Très précisément, celui-ci dénonce la faiblesse des autorités face aux accusations de «contrôles au faciès», synonymes de discriminations systématiques, pour ne pas dire systémiques. Car si Jacques Toubon, défenseur des droits, a relevé qu’un jeune homme noir ou arabe aurait «vingt fois plus de chances d’être contrôlé», la question serait plus épineuse, estime Me Mercier:
«Personne ne saurait prouver si les “discriminations” dont se plaignent ces jeunes gens sont réellement fondées sur la “prétendue race” ou sur d’autres critères, comme le code vestimentaire ou leur attitude générale, par exemple.»
Une idéologie qui ne manque pourtant pas d’avoir des conséquences dramatiques: «avec de telles mesures, on se demande comment les forces de l’ordre vont pouvoir continuer à travailler…», estime-t-il, faisant remarquer que certains d’entre eux n’osaient déjà plus procéder à des interpellations «par peur d’être accusés de racisme».
Une américanisation de l’esprit européen