Concession de l’aéroport de Bamako: le gouvernement malien persiste malgré le tollé

Le processus de mise en concession du principal aéroport du Mali, accéléré mi-mai 2020, se heurte à des réactions sans « concession » au sein de l’opinion publique malienne. L’impopularité de la décision n’a pour l’heure pas fait reculer un gouvernement plutôt déterminé à « enclencher une dynamique d’optimisation des recettes » de l’entreprise.
Sputnik

Le gouvernement malien est déterminé à mettre en concession le principal aéroport du pays, et rien ne semble vouloir l’en dissuader. Et pourtant, son projet n’en finit pas de susciter des remous dans l’opinion malienne.

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La polémique l’accusant de « brader » l’Aéroport international Modibo Keïta, qui remonte à 1974, a pris une nouvelle envolée ces dernières semaines. En cause, une réunion controversée, tenue le 15 mai, portant pour ainsi « ouverture des enchères ».

L’opinion publique malienne apprend la nouvelle quand un simple avis de réunion signé de Bangaly N’Ko Traoré, secrétaire général du Ministère de l’Economie et des finances atterrit sur les réseaux sociaux.

Le haut responsable de l’hôtel des finances de la République y invitait, entre autres, la direction des marchés publics et celle des Aéroports du Mali (ADM) à une réunion importante.  L’ordre du jour était ainsi libellé: « Ouverture des offres financières des soumissionnaires dans le cadre de la mise en concession de l’Aéroport international président Modibo Keïta ».

​« Atteinte à un symbole de souveraineté » ?

Le document a donc mis le feu aux poudres, et fit l’objet de diffusion à grande échelle. Sur les réseaux sociaux ou les plateaux médiatiques, on s’attaque à une décision « attentatoire à la souveraineté nationale ». Beaucoup laissent entendre que le gouvernement était parti pour « brader » l’un des rares fleurons qui restent encore au pays et que les futures actionnaires seraient triés sur le volet.

​Moussa Yalcouye, leader syndical de l’Union national des travailleurs du Mali (UNTM), estime dans une déclaration à Sputnik que « l’Etat du Mali n’aura plus le contrôle sur l’entreprise. Si tant que le nouveau concessionnaire bénéficie des exonérations au détriment de l’Etat. Pire il pourrait procéder à des licenciements ».

​La question de « la transparence » est posée par beaucoup d’activistes. La colère d’une partie de l’opinion réside dans le fait que tout semblait avoir été planifié par le gouvernement depuis belle lurette. « Si la lettre n’avait pas fuité, nous n’aurions rien su de ce processus honteux », note un autre internaute.

Sory Ndiaye, citoyen malien vivant à l’extérieur, s’indigne au téléphone: « Ces gens décideurs veulent détruire le Mali, à commencer le Président. Avec la mise en concession de l’aéroport, je vous jure qu'il va nous voir sur son chemin ».

Herman Traoré, spécialiste en passation de marchés publics, reconnaît à Sputnik que suite à cette réunion le processus atteignait ainsi sa phase décisive puisqu’il ne restait plus qu’à désigner le futur concessionnaire.

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Si Traoré juge que rien, dans la loi, n’obligeait le gouvernement à rendre public, à ce niveau de la procédure de concession, cette réunion, il juge néanmoins qu’ « un communiqué aurait permis d’apaiser le climat social surchauffé », alors que de fortes suspicions pèsent sur des proches du pouvoir ou des agents publics dans des actions de corruption, clientélisme, et gabegie financière.

Reconnaissant une « maladresse », avec l’absence de communiqué explicatif, une source proche de la primature reconnaît à Sputnik: « Le processus a peut-être souffert d’un manque de communication et d’appropriation par les Maliens. Nous réfléchissons à la manière de leur montrer les avantages de la mise en concession. Il ne s’agit nullement d’un processus de privatisation comme l’ont conclu certains arguments ».

L’opinion publique malienne reste ainsi partagée sur la décision de mise en concession de l’Aéroport perçu comme un joyau national et un symbole de souveraineté du pays. Mais des sources proches du pouvoir avancent, aussi, leurs arguments.

« Nous donnons l’opportunité au pays d’améliorer les recettes de ce joyau à travers les possibilités d’une gestion assainie », indique à Sputnik Boubacar Touré, chef de cabinet du Président de la République.

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Argumentaire soutenu par le juriste d’affaire, Me Amadou Cissé, dans une déclaration à Sputnik « Les avantages de la mise en concession peuvent induire la réduction des trafics du fret et la garantie d’une meilleure transparence dans la gestion. L’État du Mali ne court aucun risque pour encaisser ses gains comptabilisés de près. Mieux il peut à tout moment casser le contrat s’il ne lui profite pas ».

Au nombre des potentiels concessionnaires, le nom du groupe français « EGIS » revient très souvent.

​Actionnaire et partenaire stratégique en exploitation et management d’un réseau de 17 aéroports dans 8 pays, cette entreprise offrirait une expertise solide en conseil, ingénierie et exploitation dans le domaine de la concession aéroportuaire.

Mais au regard de la multiplication des griefs, reste à savoir si le processus de mise en concession de la « première vitrine » du Mali ira à son terme.

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