«L’autre terreur après la foudre.» En ce jour de septembre 2009, dans la vallée afghane de la Kapisa, le 11e Régiment d’artillerie de marine a illustré sa devise: la batterie reçoit l’ordre de dégager des fantassins du 3e Régiment d’infanterie de marine, pris en embuscade par des talibans. Les huit CAESAR tirent alors 12 obus de 155 mm à 29 km, distance que les projectiles parcourent en 55 secondes. Cette fois, la tragédie d'Uzbin ne s'est pas répétée.
C’est la première fois que ces canons automoteurs ont été utilisés en opération. Depuis, ils ont été déployés au Mali et surtout en Irak. Engagés au sein de la Task force Wagram, les canons tireront en tout 18.000 obus contre les djihadistes de l’État islamique, notamment durant la bataille de Mossoul à la fin de l’été 2016.
L’excellence française éprouvée au combat
Les discussions préliminaires ne sont pas totalement achevées, mais selon toute probabilité, la formation et la maintenance devraient être comprises dans le deal. Les livraisons devraient s’échelonner entre 2022 et 2026.
«Selon mes sources, les concurrents étaient le Britannique BAE Systems, le slovaque Konstrukta, l’Allemand Krauss-Maffei Wegmann et l’Israélien Elbit,» nous a confié Xavier Moreau, le fondateur du think tank Stratpol.
Mais dans ce duel d’artillerie, le canon automoteur avait tous les atouts pour canonner ses concurrents. BAE Systems produit en effet avec la Suède le canon Archer, sur châssis Volvo. Konstrukta propose aussi un canon automoteur baptisé EVA, tandis que KMW dispose d’un canon chenillé et Elbit de l’ATMOS 2000.
Le CAESAR, 50% moins cher que ses rivaux
«C’est un système léger, pas cher à l’achat et à l’entretien, et hyper performant», nous résume notre expert. Ne pesant que 17,5 tonnes, le CAESAR reste en effet «facilement aérotransportable». Capable de tirer six coups à la minute à 40 km de distance avec un obus de 155 mm, le canon est monté sur un camion civil est de surcroît aisément adaptable:
«Le modèle français est monté sur un Renault Truck, mais le tchèque le sera sur un Tatra.» Une adaptabilité qui intéresse les clients étrangers, qui peuvent ainsi «faire travailler l’industrie locale, tout en bénéficiant du savoir-faire français.»
Un autre «bon argument de vente», selon Xavier Moreau. Le ministère tchèque de la Défense a en effet affirmé que la part de son industrie de la défense dans le contrat devra être «l’une des priorités lors des négociations,» comme l’a relevé le site Opex360. Prague a de surcroît souligné que le canon était l’option «la plus avantageuse économiquement.» Selon les études tchèques, l’offre de Nexter était 50% moins onéreuse que celle de ses concurrents.
À cela s’ajoute un «secret de fabrication»: une plaque de base qui se pose sur le sol. C’est elle qui lui permet «d’avoir un canon long qui permet de tirer loin»: c’est donc le sol qui amortit le choc. Une technologie qui n’est pas à la portée de tous: «les Chinois ont essayé de la copier, mais il y a eu deux morts lors d’un test quand la plaque s’est brisée», nous relate Xavier Moreau.
Autre spécificité: le CAESAR ne compte pas sur un chargement automatique, il reste manuel. Une apparence plus archaïque, pourrait-on penser. Mais en réalité, cette rusticité contribue à rendre le système plus léger. D’autant plus, comme nous l’explique Xavier Moreau que «même avec un système de chargement automatique, on est obligé d’avoir un camion logistique qui suit.»
Les sanctions ont empêché un deal franco-russe autour du CAESAR
La Russie n’a pas été indifférente à cette arme, nous confie Xavier Moreau: «ils l’auraient monté sur un châssis Kamaz ou UralAZ.» Mais évidemment, les sanctions à l’encontre de la Russie et l’affaire dramatique des Mistral ont eu raison de cette éventualité.