Renault: la direction est venue avec «une stratégie de destruction massive»

Alors que le gouvernement a accordé une aide de cinq milliards d’euros à Renault, le constructeur automobile vient d’annoncer plusieurs milliers de licenciements en France. Sputnik s’est entretenu avec un syndicaliste de la CGT, pour qui cette décision est tout simplement incompréhensible. Entretien.
Sputnik
«C’est un vrai mépris de la part de la direction générale. Encore une fois, ils ne nous ont pas écoutés et n’entendent pas ce qui remonte du terrain.»

Laurent Giblot, délégué syndical central adjoint de la CGT Renault, ne décolère pas au micro de Sputnik. Ce vendredi 29 mai, le constructeur automobile, en difficulté financière accentuée par la crise sanitaire, a annoncé un vaste plan d’économies. Celui-ci comprend la suppression d’environ 15.000 emplois dans le monde, dont 4.600 en France. Ce plan doit permettre au constructeur d’économiser plus de deux milliards sur trois ans, en restructurant notamment six usines dans l’Hexagone. Seul le site de Choisy-le-Roi devrait fermer ses portes sur les quatorze usines en France.

L’annonce d’un prêt de cinq milliards d’euros garanti par l’État, dans le cadre du plan de relance de huit milliards d’euros pour aider la filière automobile, n’aura donc pas suffi à changer la donne.

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Lors d’une conférence de presse, Clotilde Delbos, directrice générale par intérim, a expliqué que «le ralentissement du marché automobile ajouté aux réglementations croissantes de ces trois dernières années a contribué à la baisse de la performance de Renault, la crise Covid n’a fait qu’aggraver des difficultés déjà existantes.»

Renault prévoit de supprimer environ 15.000 emplois dans le monde, dont 4.600 en France
«Ensuite, ces vents adverses ont montré les limites de notre modèle économique, qui pariait sur une croissance sans précédent des marchés émergents et de nos volumes de vente durant ces années de course aux volumes et à l’innovation. Pour atteindre des objectifs de croissance, la fin justifiait les moyens. Aujourd’hui nous payons leprix de cette politique», a-t-elle poursuivi.

Dans une interview accordée au Monde, c’est au tour du président de Renault, Jean-Dominique Senard, d’étayer cette décision: «Nous réorientons le navire de façon déterminée, en cessant les expansions hors de France et en recréant sur le sol français un outil industriel compétitif. C’est dans cet esprit que nous arrêtons des projets ou des activités au Maroc, en Roumanie, en Turquie, en Corée, en Russie.»

Absence de projet industriel

Des justifications qui ne convainquent pas le syndicaliste de la CGT, qui regrette l’absence de réel cap stratégique. En effet, lors de la présentation de ce projet aux organisations syndicales jeudi 28 mai, «la direction s’est simplement bornée à dire que ça n’allait pas, que ce n’est pas de notre faute, c’est à cause de ceux d’avant. Donc, puisque ça ne va pas, on va vous couper un bras», déplore Laurent Giblot.

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«Qu’est-ce qu’il y a aujourd’hui comme projet industriel? S’ils étaient venus dans l’optique de discuter avec les salariés, avec les organisations syndicales, avec toutes les parties prenantes de Renault, pourquoi pas? Mais ils sont arrivés une stratégie de destruction massive, mais pas constructive», s’insurge le syndicaliste.

La pilule est d’autant plus difficile à avaler, car lors de cette réunion, «on est arrivés avec un projet industriel. On a regardé tout dans le détail: ce que l’on peut faire en électrique, en hybride, ou encore, avec d’autres énergies comme le bioéthanol», détaille Laurent Giblot.

«C’est révoltant, car il y avait des alternatives crédibles à ces licenciements. Renault pourrait être un acteur majeur pour le monde de demain. On a les infrastructures, l’outil industriel, on a le personnel, il y a un vrai savoir-faire et un vrai potentiel. Sauf qu’il y a une “bande” de personnes qui est hors-sol et qui n’a que deux objectifs: le cash flow positif et la marge opérationnelle.»

Pour le syndicaliste, il est donc crucial de mettre en place «une vraie gouvernance de salariés dans les entreprises avec des gens qui viennent du terrain et pas seulement des gens qui viennent d’HEC ou de l’ENA, sinon on restera toujours dans cette logique», conclut Laurent Giblot.

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