«Notre objectif, c’est la souveraineté économique de la France», a affirmé Bruno Le Maire dans un entretien accordé au Figaro ce 21 mai.
«Renault joue sa survie»: après les mises en garde d’Édouard Philippe, Premier ministre, c’est au tour de celui de l’Économie, Bruno Le Maire, de taper du poing sur la table. Et celui qui affirme «ne pas avoir signé» de prêt de 5 milliards prévu pour aider le constructeur à faire face à la crise économique compte bien se faire entendre.
En effet, le gouvernement est sous pression depuis les révélations du Canard enchaîné sur la stratégie industrielle de Renault. Celles-ci faisaient état de possibles fermetures d’au moins trois sites, à l’occasion de l’annonce –prévu ce 29 mai– par Renault d’un vaste plan d’économies d’environ deux milliards d’euros. Parmi les sites menacés, ceux de Lorient, Dieppe, Choisy-le-Roi et Flins, ce dernier ne devant toutefois faire l’objet que d’une restructuration.
Cette annonce a donc poussé l’exécutif à hausser le ton. Édouard Philippe a ainsi indiqué lors de la séance de questions au gouvernement que le gouvernement serait «attentif» à l’évolution de l’affaire et que l’État, actionnaire à hauteur de 15% du capital de l’entreprise, serait «intransigeants sur la préservation des sites en France et sur le fait que la France demeure pour Renault le centre mondial de l’ingénierie, de la recherche/innovation et du développement.»
Défense de façade de la souveraineté?
Un changement de discours et de logique économique du pouvoir qui étonne. Le gouvernement s’est –au moins jusqu’à la crise sanitaire– montré plus que réservé sur le logiciel souverainiste, si bien, que certains ne croient pas à cette volte-face politique. C’est le cas de Jean-Pierre Gérard. Cet ancien membre du Conseil de la politique monétaire, chargé de surveiller la création de monnaie en Europe, et président du Club des N° 1 mondiaux français à l’exportation, s’est confié à Sputnik France:
«Je ne peux que me réjouir d’entendre le gouvernement parler de la manière dont ils le font de la souveraineté. Mais ce sont les mêmes qui, il y a deux ans, parlaient de mondialisation et s’en réjouissaient. Ils ont changé de cap, car ils se sont rendus compte que ce qu’ils faisaient ça ne marchait pas.»
Le gouvernement est dans une situation d’autant plus difficile qu’il a tout de suite été mis sous pression politiquement par ses adversaires et qu’il n’avait pas réellement d’autre choix que de monter au créneau une fois que cette information a été rendue publique.
«Il faut que Renault, en échange de l’aide de l’État, les 5 milliards d’euros [..]) prenne des engagements fermes: aucune fermeture d’usine», a demandé sur BFMTV Matthieu Orphelin, coprésident du nouveau groupe «Écologie Démocratie Solidarité» à l’Assemblée, composé principalement de transfuges de LREM.
Avec lui, de nombreux autres acteurs, comme Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, ont pris position, ce dernier indiquant que «quand on veut réindustrialiser le pays, c’est impensable!»
Renault dos au mur
Une polémique qui laisse tout de même le gouvernement dans une posture difficile. Pour le groupe automobile, il faudra nécessairement faire des sacrifices. Les conséquences économiques de la crise du coronavirus sont passées par là: les carnets de commandes sont vides, avec un marché du neuf qui a chuté de 76,3% en avril en Europe. Le groupe connaissait déjà une phase difficile avant la crise sanitaire, ayant subi en 2019 sa première perte nette en dix ans.
Qui l’emportera dans ce rapport de forces entre l’impératif économique et l’impératif politique? Difficile à dire aujourd’hui, mais d’une manière ou d’une autre, des sacrifices devront être faits. Et malgré les efforts de communication de l’exécutif pour remettre au goût du jour les notions de souveraineté et d’État stratège, tout porte à croire que le «monde d’après» aura de fâcheux airs de «monde d’avant».