«Il y aura des faillites et il y aura des licenciements dans les mois qui viennent.»
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a préféré jouer la carte de la franchise chez nos confrères d’Europe 1. «Beaucoup de secteurs sont très durement touchés» par la crise et «même si la croissance redémarre, elle ne repartira pas au même rythme», a-t-il précisé.
Alors qu’un déconfinement progressif est effectif depuis le 11 mai et que de nombreux commerces ont pu rouvrir leurs portes, ces derniers sont restés de longues semaines privés d’activité. Pour d’autres secteurs tels que l’hôtellerie-restauration ou le monde de la nuit, la situation est encore plus grave: ils n’ont toujours pas repris leur activité à ce jour.
Bien que le premier trimestre 2020 n’ait compté que 14 jours du confinement qui est entré en vigueur le 16 mars, il a pourtant enregistré une chute record du Produit intérieur brut (PIB): -5,8%. Selon toute vraisemblance, la baisse sera encore pire au deuxième trimestre.
D’après l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les huit semaines de confinement ont coûté pas moins de 120 milliards d’euros à l’économie française. Sur ce montant astronomique, 40 milliards pèsent sur les entreprises.
Un dispositif de chômage partiel moins généreux
100 milliards d’euros ont bien mis été sur la table par l’exécutif, dont une partie sert à financer le dispositif de chômage partiel qui a vu 12,7 millions de demandes déposées depuis le 1er mars. Mais ce filet de sécurité, qui a permis à des millions de travailleurs de pouvoir continuer à joindre les deux bouts, ne peut pas faire office de solution miracle.
Bruno Le Maire a d’ailleurs fait part de la volonté de faire évoluer le dispositif qui permet aux salariés de toucher 84% de leur salaire net (100% dans le cas d’un SMIC). Le gouvernement souhaite réduire le montant de la prise en charge «de façon à inciter au retour de l’activité puisque c’est ça qui nous permettra au bout du compte de créer des emplois et de créer de la prospérité».
«Ce n’est pas une situation normale d’avoir l’État qui prend en charge 100% des salaires», a-t-il ajouté.
Pour François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), une telle décision entraînera des licenciements. Il souhaite que l’exécutif attende le mois de septembre avant toute réduction d’ampleur du dispositif.
Du côté du patronat, le Medef s’oppose lui aussi à une modification de la prise en charge du chômage partiel.
L’État a également fait en sorte de faciliter l’obtention de prêts pour de nombreuses sociétés. D’après Bercy, 80 milliards d’euros ont été accordés au bénéfice de 445.000 entreprises au 21 mai. Des sommes qu’il faudra rembourser. Le paiement de certains loyers et charges sociales a également été reporté, mais non annulé.
De longs mois de catastrophe économique à l’horizon?
S’il est fort probable que l’on ne soit qu’au début de la vague de faillites, de nombreuses sociétés sont déjà au bord du gouffre.
«Pour l’instant, les entreprises sont portées par les mesures gouvernementales. Mais la vague viendra dans les mois prochains. Elle touchera tous les secteurs, notamment les groupes qui ont des contrats internationaux, qui se trouvent inévitablement fragilisés», explique à nos confrères du Monde Loïc Belleil, président du tribunal de commerce de Nantes.
L’enseigne d’ameublement Alinéa, qui emploie environ 2.000 personnes, a été placée en redressement judiciaire le 13 mai. Même chose du côté du groupe André, spécialisée dans la vente de chaussures. Le tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a quant à lui ordonné le 15 mai la mise en redressement judiciaire de Naf Naf, qui emploie1.170 salariés.
D’autres entreprises comme l'enseigne de chaussures et de vêtements La Halle (Vivarte) et ses plus de 6.000 employés sont placés en procédure de sauvegarde.
Le secteur de l’audiovisuel est également touché. NextRadioTV, maison mère de BFMTV et RMC, a annoncé le 19 mai qu’elle mettait en place un «plan de transformation et de reconquête post-Covid». Ce dernier prévoit de réduire les effectifs. Le recours aux intermittents, pigistes et consultants devrait être divisé par deux.
Même de grands fleurons industriels français comme Renault sont touchés. Le constructeur automobile envisagerait de fermer quatre sites en France, selon Le Canard Enchaîné. Du côté du géant de l’aéronautique Airbus, les temps sont également difficiles. D’après nos confrères du Figaro, Guillaume Faury, président exécutif de l’avionneur européen, a envoyé un courrier aux 135.000 salariés du groupe afin de les prévenir «de se préparer à des réductions d’emplois potentiellement plus importantes qu’annoncé».
Pas mieux du côté du sport. Selon Mediapart, plusieurs clubs de football professionnels français sont au bord de la faillite.
Jérôme Gernais, président de la chambre du commerce et de l’industrie de l’Indre, a souligné la gravité de la situation au quotidien Le Monde:
«Il ne faut pas se laisser tromper par les entreprises qui ont continué à travailler durant ces deux mois de confinement: elles assuraient des commandes antérieures. Mais les carnets de commandes ne vont pas se remplir de sitôt, cela va être très long et c’est un problème mondial.»