Un édito de Jacques Sapir à retrouver en podcast dans l’émission Russeurope Express du 30 avril.
La question de la dette publique va-t-elle dominer le monde d’après le confinement? On peut le penser si l’on regarde les derniers chiffres disponibles. Ainsi, le 14 avril, M. Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, prévoyait un déficit de près de 9% du PIB. En réalité, on peut penser que cette estimation pèche par optimisme. Entre les dépenses nécessaires pour garder l’économie française à flot et la chute des recettes, le déficit pourrait être entre 13 et 14% en 2020. Selon nos estimations, la dette publique devrait, elle, monter vers les 115% du PIB, voire au-delà.
Ces chiffres sont impressionnants en apparence. Mais, si un ratio élevé de dette publique n’est pas en soi problématique, la question est surtout de savoir comment l’on financera ces dépenses énormes mais indispensables. Pourtant, on peut avoir la certitude que la France arrivera à placer les emprunts nécessaires, et ce à des taux d’intérêts très faibles. La politique de la Banque centrale européenne va d’ailleurs plutôt dans ce sens.
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Bruno Tinel, économiste, maître de conférences à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et auteur de Dette publique: sortir du catastrophisme (éd. Raisons d'agir, 2016).
Le risque existe néanmoins, et l’on en veut pour preuve la déclaration ces derniers jours du gouverneur de la Banque de France, que l’on s’oriente dès 2021 vers une politique d’austérité. Les voix des spécialistes auto-proclamés qui ne rêvent que de faire payer les Français se font ces derniers jours de plus en plus insistantes. Cette austérité pourrait s’avérer mortelle pour l’économie française, qui émergera des conséquences du confinement avec probablement un chômage accru de 500.000 à 750.000 personnes supplémentaires. De fait, tout indique que les conséquences du confinement seront lourdes, et que l’économie mettra plusieurs années à digérer ce choc.
L’austérité n’est pas une fatalité
D’autres possibilités existent néanmoins. La première, et non la moindre, consisterait à monétiser le déficit pour les prochaines années. Il n’y a là rien de nouveau. Cette politique fut adoptée au sortir du second conflit mondial quand la dette publique avait dépassé les 150% du PIB. En 1958, soit treize ans plus tard, ce taux était revenu vers les 35%.
Une seconde solution consisterait en l’émission de «coronabonds». Mais, d’une part, les sommes nécessaires sont considérables (entre 1.175 et 1.300 milliards d’euros pour la zone euro), et d’autre part, on sait que l’Allemagne et les Pays-Bas y sont farouchement opposés.
Il ne s’agit donc pas d’un simple problème technique mais profondément politique. Cette question du déficit public et de la dette sera centrale dans le débat démocratique à partir du mois de juin. Elle implique des choix importants, des choix stratégiques, pour la politique économique de la France et de l’Union européenne. Le conflit entre les tenants du «monde d’avant» et ceux du «monde d’après» ne fait que commencer…
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