«Je le dis aux Français: si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai, ou nous le ferons plus strictement.»
Lors de sa présentation à l’Assemblée du plan de déconfinement, le Premier ministre Édouard Philippe n’a pas promis des lendemains qui chantent aux Français, mais plutôt une sorte de libération conditionnelle.
Presque «en même temps», Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a exhorté ce 29 avril ses concitoyens à reprendre le travail.
«Nous devons retourner au travail [...] il faut qu’un maximum de Français reprennent le travail», a-t-il martelé sur le plateau de LCI. «Il faut que nous nous retroussions les manches tous ensemble pour que le retour à l’activité se fasse dans les meilleures conditions», a-t-il poursuivi, avant de lancer: «Nous allons réussir tous ensemble [...] Nous allons nous relever». Et pourtant, illustration d’une parole politique qui tend à manier aisément les injonctions contradictoires –l’encouragement comme la mise en garde– le même Bruno Le Maire a tempéré, dans la foulée: «Il faut être lucide, il y aura des faillites, quoi que nous fassions.»
Des masques enfin en quantité suffisante pour aller au travail?
Aussi, alors que pour l’ensemble de la population, l’échéancier de sortie de déconfinement reste pour le moins très partiel, progressif et soumis à conditions, Alexis Corbière, député de La France insoumise, pointe un deux poids, deux mesures. Impératifs économiques obligent, les travailleurs devraient-ils être plus exposés que les autres Français, dont la liberté de circulation promet d’être encore longtemps limitée?
«On comprendra que l’objectif du gouvernement, c’est que le travail reprenne coûte que coûte, avec un coût sanitaire. C’est intolérable», explique-t-il à Sputnik, réagissant aux propos de Bruno Le Maire.
Et de poursuivre, faisant référence à la question cruciale des tests de Covid-19 et à la pénurie de masques:
«La méthode devrait être d’abord de s’assurer de la sécurité de tous, de s’assurer que le virus ne se diffuse pas, et que quiconque amené à avoir une activité professionnelle ait des garanties de protection, ce qui n’est pas le cas.»
«Au lieu de la santé d’abord, ce gouvernement nous répète l’économie d’abord», juge encore le député.
De fait, parmi les nombreuses inconnues du plan de déconfinement, figure encore celle de la disponibilité des masques, tout à fois pour la population générale, mais aussi pour les travailleurs. «Il y aura assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai», a promis le 28 avril, dans l’hémicycle, Édouard Philippe, invitant les entreprises à équiper leurs salariés. À côté de la grande distribution et des pharmacies, de nouveau autorisées à vendre des masques à partir du 11 mai seulement, une plateforme de e-commerce doit notamment être assurée par la Poste à compter du 30 avril. «Elle distribuera à ceux qui en ont besoin chaque semaine plusieurs millions de masques grand public», a assuré le Premier ministre. Et d’ajouter, côté chiffres, qu’une «enveloppe hebdomadaire de cinq millions de masques lavables» sera distribuée par les préfets aux «plus précaires»
Mais, après six semaines de pénurie, après les cafouillages de l’exécutif et les affirmations de la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye au début du confinement, le doute est permis. Le 28 avril, le chef de file des députés Républicains, Damien Abad, cité par l'AFP, a ainsi fustigé un plan de déconfinement «difficilement applicable».
«Sans masques et sans tests suffisants, vous serez pris dans l’impasse d’un déconfinement impossible. Comme plus de six Français sur dix, nous n’avons pas confiance, nous n’avons plus confiance», a-t-il insisté.
Un sentiment de défiance qui parcourt l’opposition et que Marine Le Pen a résumé sur RTL ce 29 avril: «Les Français sont responsables, il faut arrêter de les culpabiliser en permanence». «Comme depuis le début de cette crise, [Édouard Philippe] a tenté de trouver des coupables: les Français, les scientifiques, parfois même l’opposition, mais jamais le gouvernement», a-t-elle ajouté.
De fait, l’exercice difficile d’Édouard Philippe devant une représentation nationale, fortement «dégradée», selon le terme de la députée LR Valérie Boyer, laisse l’impression que l’exécutif chercherait à faire reposer sur la population le succès ou l’échec du déconfinement.