Au Canada, malgré la pandémie de Covid-19, les regards se sont récemment tournés vers la Nouvelle-Écosse, où la pire tuerie de toute l’histoire de ce pays a été commise.
La tuerie la plus meurtrière de l’histoire du Canada
L’ensemble de la classe politique a interrompu sa gestion de la crise pour offrir ses condoléances aux familles des victimes et condamner le geste.
«Une telle tragédie n’aurait jamais dû se produire. La violence n’a jamais sa place dans notre pays», a déclaré le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, le 20 avril, en invitant les médias et la population à ne pas diffuser le nom et des photos du tueur.
Selon Paul Laurier, ex-enquêteur de la Sûreté du Québec et analyste en affaires criminelles, il demeure très difficile pour les autorités de prévenir ce genre de carnage. M. Laurier est notamment président du Groupe Vigiteck et consultant pour des agences d’application des lois pénales et criminelles. Il relate à Sputnik les possibles motivations du tueur, sur lesquelles les autorités n’ont pas encore fait de déclaration officielle et définitive. La GRC a seulement confirmé que le tueur s’est emporté après s’être violemment disputé avec sa conjointe.
«Le tueur présente à première vue certaines caractéristiques traditionnelles des tueurs de masse. Dans son cas, il s’agirait plutôt d’un drame intrafamilial. On parle d’une séparation. On évoque un mauvais divorce, une pension à payer à sa femme, etc. Tous les bâtiments qu’il a incendiés lui appartenaient: il en était propriétaire. […] Son commerce était aussi à l’arrêt depuis les mesures de confinement. C’est un conflit matrimonial qui a dégénéré», explique l’ex-enquêteur.
«Certaines victimes étaient connues de Gabriel Wortman et ont été ciblées, alors que d’autres n’étaient pas connues du suspect», se sont contenté de déclarer les porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada, plus haut corps de police au pays, le 21 avril.
«Un conflit matrimonial qui a dégénéré»
La Gendarmerie royale du Canada est fortement critiquée pour avoir choisi de ne pas utiliser son système d’alerte afin d’informer les citoyens qui se trouvaient dans les quartiers visés du danger qu’ils couraient.
«D’après moi, les policiers n’ont pas pensé à utiliser le système d’alerte: ça n’a pas été un réflexe naturel. […] Je ne parlerais pas d’une erreur, car c’est dur de blâmer les agents une fois le crime déjà commis, mais il y a une faiblesse ici. Il y a peut-être eu aussi certains problèmes de communication: généralement, les erreurs de communication sont responsables de 90% des dérapages dans ce genre de cas là», précise Paul Laurier à notre micro.
Depuis déjà plusieurs semaines, les Canadiens d’Est en Ouest du pays sont confinés à leur domicile en raison de la pandémie de Covid-19. Une situation qui aurait peut-être contribué à radicaliser l’individu:
«Il y a plusieurs facteurs qui peuvent pousser quelqu’un à passer l’acte. Dans le cas d’un tueur de masse, il y a toujours une période de 24, 48 ou 72 heures où son projet va commencer à se manifester. Le meurtrier ne semble pas avoir laissé des traces sur les réseaux sociaux, alors que 80% des tueurs de masse le font.»
«Le confinement a peut-être rendu le tueur plus dément, plus radical ou plus machiavélique. On peut aussi se demander si la situation aux États-Unis ne pourrait pas avoir joué, avec tous ces manifestants contre le confinement et les conspirationnistes. Parfois, il suffit d’un élément en apparence anodin pour agir comme déclencheur», souligne M. Laurier.
La Gendarmerie royale du Canada a demandé aux Forces armées canadiennes de l’épauler dans son analyse et la surveillance des 16 scènes de crime identifiées. Une situation complètement inédite, constate l’ex-policier et consultant en sécurité:
«C’est exceptionnel. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vu l’armée déployée dans des scènes de crime. C’est assez étonnant. Ça veut dire que la GRC n’a pas toutes les ressources nécessaires», a-t-il conclu.