L’enseignement de l’histoire-géographie, de l’école élémentaire au lycée, est souvent perçu comme un champ de bataille idéologique, où l’on règle des comptes politiques plutôt que comme l’acquisition de connaissances permettant de nourrir son esprit critique.
«L’histoire militaire, ou "l’histoire des batailles" n’existe plus»
Pour Dimitri Casali, souvent invité sur les plateaux de télévision pour parler de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le constat est amer: malgré le fait qu’il y a «des choses intéressantes à dire sur les combats de mai-juin 1940, où les Français ont perdu plus de 100.000 hommes en moins d’un mois» ou sur le débarquement américain du 6 juin 1944, ces sujets «ne sont pratiquement plus traités: quelques manuels mettent une photo, point».
«L’histoire militaire, ou “l’histoire des batailles” n’existe plus. Elle a disparu de l’enseignement de l’histoire en France. Parce que “la guerre, c’est mal”. Cela concerne aussi bien les batailles de Napoléon que celles de la Seconde Guerre mondiale», souligne Dimitri Casali.
Il admet que grâce au «tropisme communiste et marxiste des syndicats d’enseignants français», qui ont «une petite faiblesse pour Stalingrad», cette célèbre bataille figure encore dans une double page des manuels de 3e, mais
«La moitié des élèves –et je dis bien, la moitié– ne connaissent pas la date du 8 mai 1945. Ils ne savent pas pourquoi c’est férié. C’est une lente montée de l’ignorance», regrette l’historien.
«On insiste sur Vichy. Le Vél d’Hiv et la déportation des juifs pendant Seconde Guerre mondiale occupent six pages. La résistance du Général de Gaulle est réduite à la portion congrue», énumère Dimitri Casali.
L’historien regrette que l’«on apprenne tout juste Jean Moulin»: la Résistance est très peu évoquée. Mais il déplore surtout «que l’on explique que la France a été humiliée en 1940, ce qui fait partie, avec les guerres de décolonisation, des deux humiliations sous-jacentes» du pays.
Vision culpabilisante de l’histoire de France
L’historien considère que la «vision culpabilisante de l’enseignement de l’histoire de France à nos enfants, en particulier de la Seconde Guerre mondiale» s’est installée dans les programmes de l’école secondaire «depuis une trentaine d’années».
«Il est intéressant de voir comment elle est enseignée aux 3e, au collège: la partie “régime de Vichy, maréchal Pétain” est complètement dissociée du chapitre “Seconde Guerre mondiale”. C’est comme si on voulait faire croire que les Français avaient choisi de collaborer avec l’Allemagne de leur propre chef», détaille l’essayiste.
Visiblement, l’école ne vit pas en vase clos, mais subit l’influence d’une vision plus officielle ou idéologique de l’histoire. Une dérive sur laquelle les décideurs ont peu de prise: malgré les efforts de certains pour promouvoir l’image des héros tels que Guy Môquet, avec la fameuse initiative de Sarkozy, ou de reparler de Jean Moulin, cela se retourne contre les leaders politiques.
Rupture «post-soixante-huitarde» de l’enseignement de l’histoire
«L’Histoire, c’est un récit, il faut le raconter pour faire aimer l’histoire aux enfants. Maintenant, on donne des documents à commenter», dénonce Dimitri Casali.
À l’époque «dès l’âge de 10 ans, on racontait des anecdotes, des petites histoires sur la grande Histoire de France […] qui passionnaient et donnaient envie aux enfants d’en savoir plus». Cette construction de leur savoir «brique par brique, pour le développer au collège, avec des cours un peu plus difficiles» est révolue. Dorénavant, il faut que l’élève «construise son savoir lui-même», selon les pédagogues officiels. Ce qui conduit inévitablement aux lacunes que l’on constate.