En France, «la moitié des élèves ne connaissent pas la date du 8 mai 1945»

Alors qu’approche le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Sputnik examine le «socle commun de connaissances, de compétences et de culture» des élèves sur cet événement. L’Éducation nationale tient-elle sa promesse? Pas pour l’historien Dimitri Casali, qui détaille pour Sputnik les dérives dans l’enseignement de l’histoire.
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L’enseignement de l’histoire-géographie, de l’école élémentaire au lycée, est souvent perçu comme un champ de bataille idéologique, où l’on règle des comptes politiques plutôt que comme l’acquisition de connaissances permettant de nourrir son esprit critique.

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Même sur des sujets aussi importants que la Seconde Guerre mondiale, cette acquisition de connaissances ne semble pas évidente: que savent les jeunes Français de ce conflit et du rôle que la France y a joué? Connaissent-ils les dates, les lieux des principales batailles, la répartition des forces des belligérants? Savent-ils ce qui se cache derrière les noms de Stalingrad, Omaha Beach, «Paris, ville ouverte»? Dimitri Casali, historien, essayiste et auteur d’un manuel d’histoire, assure au micro de Sputnik que des pans entiers de l’histoire, notamment militaire, ne sont plus enseignés dans le secondaire.

«L’histoire militaire, ou "l’histoire des batailles" n’existe plus»

Pour Dimitri Casali, souvent invité sur les plateaux de télévision pour parler de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le constat est amer: malgré le fait qu’il y a «des choses intéressantes à dire sur les combats de mai-juin 1940, où les Français ont perdu plus de 100.000 hommes en moins d’un mois» ou sur le débarquement américain du 6 juin 1944, ces sujets «ne sont pratiquement plus traités: quelques manuels mettent une photo, point».

«L’histoire militaire, ou “l’histoire des batailles” n’existe plus. Elle a disparu de l’enseignement de l’histoire en France. Parce que “la guerre, c’est mal”. Cela concerne aussi bien les batailles de Napoléon que celles de la Seconde Guerre mondiale», souligne Dimitri Casali.

Il admet que grâce au «tropisme communiste et marxiste des syndicats d’enseignants français», qui ont «une petite faiblesse pour Stalingrad», cette célèbre bataille figure encore dans une double page des manuels de 3e, mais

«La moitié des élèves –et je dis bien, la moitié– ne connaissent pas la date du 8 mai 1945. Ils ne savent pas pourquoi c’est férié. C’est une lente montée de l’ignorance», regrette l’historien.

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D’après l’essayiste, l’enseignement de l’histoire paye pour un problème plus large de l’enseignement secondaire, où «40% des élèves qui arrivent en 6e ne savent ni lire ni écrire». Par conséquent, la plupart des professeurs «à qui le temps manque pour boucler le programme», ne rentrent absolument pas dans le détail. Pire, «les professeurs d’histoire n’ont plus le niveau pour expliquer la stratégie militaire d’encerclement de l’Armée rouge lors de la bataille de Stalingrad», signale l’historien. Ainsi, les «jeunes écoliers français ignorent l’histoire de France et l’histoire internationale en général», puisque ces enseignements sont remplacés par la «promotion de l’écologie, du développement durable, du féminisme et de l’antiracisme».

«On insiste sur Vichy. Le Vél d’Hiv et la déportation des juifs pendant Seconde Guerre mondiale occupent six pages. La résistance du Général de Gaulle est réduite à la portion congrue», énumère Dimitri Casali.

L’historien regrette que l’«on apprenne tout juste Jean Moulin»: la Résistance est très peu évoquée. Mais il déplore surtout «que l’on explique que la France a été humiliée en 1940, ce qui fait partie, avec les guerres de décolonisation, des deux humiliations sous-jacentes» du pays.

Vision culpabilisante de l’histoire de France

L’historien considère que la «vision culpabilisante de l’enseignement de l’histoire de France à nos enfants, en particulier de la Seconde Guerre mondiale» s’est installée dans les programmes de l’école secondaire «depuis une trentaine d’années».

«Il est intéressant de voir comment elle est enseignée aux 3e, au collège: la partie “régime de Vichy, maréchal Pétain” est complètement dissociée du chapitre “Seconde Guerre mondiale”. C’est comme si on voulait faire croire que les Français avaient choisi de collaborer avec l’Allemagne de leur propre chef», détaille l’essayiste.

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L’historien ne mâche pas ses mots, en qualifiant de «nocif et négatif» de faire croire aux élèves «que tous les Français étaient des collabos, de la même façon que l’on fait croire qu’au XIXe siècle, tous étaient des colonialistes et qu’au XVIIIe, des esclavagistes».

Visiblement, l’école ne vit pas en vase clos, mais subit l’influence d’une vision plus officielle ou idéologique de l’histoire. Une dérive sur laquelle les décideurs ont peu de prise: malgré les efforts de certains pour promouvoir l’image des héros tels que Guy Môquet, avec la fameuse initiative de Sarkozy, ou de reparler de Jean Moulin, cela se retourne contre les leaders politiques.

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Pour Dimitri Casali, un grand changement est arrivé dans les années 1980-90, quand «l’enseignement de l’histoire s’est heurté à deux graves problèmes: le premier, de pédagogie et le second, idéologique», quand, avec les «nouvelles méthodes “post-soixante-huitardes”, on n’apprend plus à nos jeunes enfants à aimer l’histoire de France, qui était auparavant un vecteur de formation de la citoyenneté.»

«L’Histoire, c’est un récit, il faut le raconter pour faire aimer l’histoire aux enfants. Maintenant, on donne des documents à commenter», dénonce Dimitri Casali.

À l’époque «dès l’âge de 10 ans, on racontait des anecdotes, des petites histoires sur la grande Histoire de France […] qui passionnaient et donnaient envie aux enfants d’en savoir plus». Cette construction de leur savoir «brique par brique, pour le développer au collège, avec des cours un peu plus difficiles» est révolue. Dorénavant, il faut que l’élève «construise son savoir lui-même», selon les pédagogues officiels. Ce qui conduit inévitablement aux lacunes que l’on constate.

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