Au début de l’épidémie de coronavirus, la France manquait de moyens de protection, mais surtout de lits de réanimation pour les nombreux malades graves. Le ministère de la Santé a alors commandé 14.000 lits pour compléter les 5.000 existants et ainsi satisfaire les besoins des soignants. Pour équiper ces lits de respirateurs artificiels, l’État a passé une commande de 10.000 unités à Air Liquide Medical Systems, seul fabriquant en France. Mais une enquête de la cellule investigation de Radio France révèle que 8.500 de ces appareils sont inadaptés aux malades du coronavirus.
Dans un premier temps, l’État a demandé la fabrication de 5.000 respirateurs de type T60, plutôt conçu pour le transport des malades, et autant d’un modèle plus basique, l’Osiris 3, utilisé depuis 1998. Or, le T60 est difficile à assembler. Air Liquide a donc proposé de produire davantage de modèles de type Osiris 3. La proportion est donc de 1.600 T60 contre 8.500 Osiris 3, poursuit l’enquête.
«Un risque de tuer le patient »
Cependant, un problème inattendu est apparu. Les modèles Osiris sont des «ventilateurs de transport léger et simple d’utilisation», donc utilisés dans les ambulances plutôt que dans les salles de réanimation.
«Personnellement, je n’utiliserai pas un Osiris en réanimation, c’est très clair», a déclaré auprès du média Philippe Meyer, médecin-réanimateur à l’hôpital Necker. Son confrère Yves Rebufat, anesthésiste et réanimateur au CHU de Nantes, assure que «si vous vous en servez pour un syndrome respiratoire aigu, vous avez un risque de tuer le patient au bout de trois jours. Parce que ce n’est pas fait pour ça». Un point de vue partagé par d’autres experts consultés par la radio.
«Polémiques vaines»
Face à ces critiques, Air Liquide s’est dit étonné, précisant que «le choix final de l’Osiris a été fait sur recommandation des experts du ministère de la Santé et de la Société de réanimation de langue française [SRLF]». Cette dernière nie pour sa part cette affirmation. Son directeur administratif Martin Lavillonnière a dit à Radio France que son association «n’a pas été sollicitée pour rendre un avis sur quel respirateur privilégier pour une production d’urgence».
Le cabinet d'Olivier Véran a pour sa part rapidement réagi à la publication de cette enquête, condamnant des «polémiques vaines et malvenues» et précisant avoir fait «un choix de prudence et de responsabilité». «Les 10.000 respirateurs commandés à Air Liquide sont utilisables», affirme le ministre.