L’AIE (agence internationale de l’énergie) anticipe ce 15 avril un recul de la consommation pétrolière quotidienne de 9,3 millions de barils de pétrole en 2020, misant sur une reprise progressive au second semestre. Un chiffre qui équivaudrait à la consommation mondiale de l’année 2012, sachant que 100 millions de barils ont été consommés quotidiennement en 2019. Sur le seul mois d’avril, la demande devrait chuter de 29 millions de barils par jour, poursuit l’organisation.
Une baisse de 30 millions de barils par jour pour remonter les prix?
Même après l’annonce de la conclusion de l’accord de l’OPEP+ (organisation qui regroupe les 13 pays de L’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) et 10 autres pays producteurs, dont la Russie, le Mexique et le Kazakhstan) du 9 et 12 avril, les prix de l’or noir n’ont pas augmenté, ils ont même encore chuté.
«L’accueil des marchés a été plutôt froid, parce que ceux-ci attendaient encore plus. On parlait de 15 à 20 millions de barils par jour, mais il faut être réaliste. On ne réduit pas comme ça en un tour de main, en claquant des doigts, la production pétrolière mondiale de 20 millions de barils par jour.»
Ainsi, la réduction historique de 9,7 millions de barils par jour obtenue par les pays de l’OPEP + ne sera probablement pas suffisante pour relever les prix du pétrole. Cet accord entre les pays OPEP-non OPEP avait été mis en place afin de mettre fin au choc de l’offre déclenché par l’échec de l’accord du 6 mars, conjugué avec la paralysie de la demande de pétrole suite au confinement d’une grande partie de la population mondiale. Sur le site Connaissance des énergies, le professeur Patrice Geoffron parle ainsi d’un seuil de 30 millions de barils par jour «pour espérer une remontée significative des prix».
Une production américaine de moins en moins rentable
Pour les deuxièmes et troisièmes plus grands producteurs de pétrole au monde que sont respectivement la Russie et l’Arabie saoudite, cette baisse sera drastique. Dans une démarche que Francis Perrin qualifie de «réconciliation russo-saoudienne», les deux États se sont engagés à réduire chacun leur production du même volume, c’est-à-dire -2,5 millions de barils de pétrole, donc 5 millions sur les 9,7 millions au total pour les vingt pays de l’OPEP+. Concernant les États-Unis, premier producteur mondial, une réduction unilatérale est plus difficile à obtenir du fait de la loi antitrust, restreignant toute possibilité d’entente sur les prix. Seule la Texas Railroad Commission aurait l’autorité de réguler la production dans cet État du sud, où 40% du pétrole américain est extrait.
«Aux États-Unis, on n’aura pas une décision où Donald Trump dira “on produit moins”, ça ne se passe pas comme ça. Mais on sait que du fait du bas niveau des prix, la production pétrolière des États-Unis va baisser en 2020, tout simplement parce qu’à ce prix-là, dans certains coins des États-Unis, il n’est plus rentable de produire du pétrole.»
Alors que le Secrétaire américain à l’Énergie, Dan Brouillette, a évoqué une réduction de la production américaine aux alentours de «presque 2 millions de barils/jour», Connaissance des Énergies évoque des projections plus pessimistes, pour une chute «supérieure à 3 millions de barils/jour». Visé par les stratégies russe et saoudienne, le pétrole de schiste américain constituerait l’une des premières victimes de ce krach pétrolier, qui pourrait avoir des conséquences à moyen terme sur la restructuration de cette industrie. D’où les intenses tentatives de médiation de la part du Président américain ces dernières semaines, avec Vladimir Poutine et Mohamed ben Salmane, afin de se mettre d’accord sur une baisse collective de la production de pétrole. Le chercheur de l’IRIS évoque le règlement de cette crise très particulière entre les trois plus grands producteurs de pétrole au monde, qui pèsent entre 33 et 40% de la production mondiale: «on est dans un pragmatisme pétrolier et pas dans une démarche idéologique».