Fin mars, dans le Liptako malien. Un campement terroriste a été repéré par la force Barkhane, et l’opération d’opportunité promptement déclenchée. Les commandos grimpent dans leurs hélicoptères Caïman, devancés par une patrouille d’hélicoptères Tigre et d’une Gazelle, partie en reconnaissance. En quelques instants, plusieurs combattants sont neutralisés, six motos détruites et des armes et du matériel de transmission saisi.
Au Sahel, les groupements commandos parachutistes (GCP) continuent de faire le coup de feu. En décembre, la pression politique et médiatique s’est fait sentir sur ces unités d’exception, qui ont pourtant grand besoin de discrétion. Pendant plusieurs semaines, le sort entier de la région des trois-frontières, à cheval entre Mali, Niger et Burkina Faso, semblait peser sur leurs épaules. Même cruciales, les opérations coup-de-poing ne peuvent décider seules du sort d'un conflit, qui plus est asymétrique. Alors il en fallait plus, notamment pour empêcher l’État islamique* dans le Grand Sahara de prospérer davantage dans la zone.
Opération Monclar: un sursaut qui ne doit pas rester lettre morte
Du 3 au 23 mars, l’opération Monclar a été un effort inédit et surprenant dans cette région. Soutien compris, ce sont 1.700 militaires français qui ont été déployés, aux côtés de 1.500 hommes de la force G5 Sahel et de 1.500 soldats nigériens. «C’était une opération un peu unique par le volume de force que nous avons déployé sur le terrain», a expliqué le colonel Nicolas Meunier, commandant le Groupement tactique désert (GTD) «Centurion» et chef de corps du 1er Régiment étranger de cavalerie (1e REC).
«Le but était de déstabiliser l’adversaire et localement, notre action nous a permis de prendre l’ascendant sur l’ennemi», a-t-il sobrement ajouté.
L’officier ne le dira pas, mais l’opération est aussi remarquable par ses troupes alignées: trois détachements provenant de trois régiments d’élite de la Légion étrangère, sans compter les quelques centaines de commandos et forces spéciales. En ce mois de mars, les meilleures unités françaises étaient présentes dans la région. Une fois acculés dans leur sanctuaire des trois-frontières, voyant leurs capacités d’évitement restreintes, les djihadistes ne pouvaient pas faire grand-chose face à ces dernières. Ceux-ci sont d’ailleurs de «piètres combattants», nous avait confié un officier d’infanterie sous couvert d’anonymat.
Mais la zone des trois-frontières n’est pas encore tirée d’affaire:
«Ces résultats sont tangibles, mais pas décisifs», a ainsi tempéré le colonel Meunier, du 1er REC: «il va falloir poursuivre notre action, réfléchir à des opérations qui nous permettent d’exploiter ces succès tactiques obtenus.»
Les opérations coup-de-poing se poursuivent
Car dans le Sahel, rien n’est joué. Le détachement du 2e REP qui a opéré entre les mois janvier et mars en autonomie totale est selon nos informations de retour à Calvi. Une fois la vaste opération Monclar terminée, le Groupement Tactique Désert aérocombat (GTD-A), qui avait été chargé de la protection des ravitaillements essentiels de l’opération, semble avoir retrouvé des actions plus offensives.
Une opération aéroportée «d’ampleur» dans le Gourma malien a été annoncée par le ministère. Menée le 2 avril, elle a vu l’engagement de plusieurs aéronefs et de commandos contre les groupes terroristes afin de prévenir toute attaque-surprise contre les alliés africains dans la région de Boulikessi, dont le chef de village avait d’ailleurs été enlevé l’année passée. «Après avoir conduit une succession de manœuvres de harcèlement, les commandos ont découvert un plot logistique sur lequel ont été mis hors de combat plusieurs terroristes», a déclaré la hiérarchie militaire, ajoutant que des motos et du matériel avaient été saisis.
La supériorité aérienne fonctionne aussi à plein régime. Le 1er avril, une patrouille de Mirage 2000D, appuyée par un drone Reaper, a engagé et neutralisé «de nombreux terroristes» dans le nord du Gourma. Les 4 et 7, un drone a réalisé des frappes aériennes. Le 5, une position des forces armées nigériennes était attaquée à Banibangou, non loin de la frontière avec le Mali. L’intervention de Mirage 2000D et d’hélicoptères Tigre a permis de supprimer une dizaine de terroristes et de contribuer à repousser l’attaque du camp. Le 6, une opération a été menée grâce à des renseignements fournis par les forces armées nigériennes. Le 7, le drone a frappé un GAT non loin de Gossi.
Ainsi l’armée française revendique-t-elle maintenant un affaiblissement des capacités d’action de l’État islamique* dans le Grand Sahara, trois mois après l’accident d’hélicoptères qui a coûté la vie à 13 militaires, et fait naître dans l’opinion la crainte d’un enlisement. Jusqu’au mois de mars, une centaine de terroristes était en moyenne neutralisée dans la région. Les chiffres seront probablement en hausse, mais ils ne sauraient suffire.
La victoire ne sera pas uniquement militaire
Paris espère toujours la «montée en puissance» des armées alliées, soulignant n’être qu’un appui à des forces militaires souveraines. Alors que les opinions africaines s’avèrent promptes à accuser la France de néocolonialisme, les officiers supérieurs français multiplient d’ailleurs les compliments à l’égard de l’armée nigérienne. Mais celle-ci est durement étrillée. Selon le ministère de la Défense nigérien, 174 soldats ont été tués en janvier et décembre, avec un pic le 8 janvier à Chinégodar, où 89 militaires ont perdu la vie. Le 10 décembre 2019, 71 soldats sont morts dans une attaque de l’EIGS contre le camp Inates. Le 2 avril dernier, un engagement a toutefois tourné à l’avantage des Nigériens, qui ont perdu quatre militaires, mais tué 63 djihadistes dans la région de Tillabéri, toujours selon leur ministère de la Défense.
*Organisation terroriste interdite en Russie.