Les incidents se sont multipliés à Bizerte et à Medjez El Bab (gouvernorat de Béjà au Nord-ouest de la Tunisie). Des citoyens refusent catégoriquement que les victimes du virus soient enterrées dans les lieux consacrés de leur région par peur de la contamination par le sol.
À Medjez El Bab, des habitants ont bloqué l’entrée du cimetière, vendredi 3 avril, afin d’empêcher les funérailles d’un homme décédé à l’hôpital Abderahman Mami, devenu un centre spécialisé dans le traitement des patients atteints du Covid-19. Ils ont organisé un mouvement de protestation et se sont même attaqués aux forces de l’ordre.
«Comme le cimetière se trouvait au centre de la vieille ville et qu’il est entouré de maisons, les citoyens ont eu peur de la contamination, c’est pour cela qu’ils ont protesté. Nous pouvons comprendre cette réaction, bien qu’elle soit inacceptable», déclare à Sputnik, Jalal Grira, le maire de Medjez El Bab.
La décision a été alors prise d’enterrer l’homme dans la localité voisine, Slouguia. Mais là encore les résidents ont refusé et ont manifesté. «Le gouverneur a dû donc faire appel aux forces de l’armée pour contrôler la situation et le défunt a pu finalement être mis en terre», indique Jalal Grira.
Ce n’est pas le premier incident du genre. À Bizerte (nord-est de la Tunisie), des habitants ont refusé de laisser enterrer une femme décédée du virus. Il y a eu même des arrestations parmi les protestataires.
Ces incidents ont scandalisé beaucoup de Tunisiens et les autorités ont dû faire appel au mufti de la République, qui représente la haute autorité religieuse dans le pays, pour rappeler la nécessité, selon la religion musulmane, d’enterrer les victimes du virus en prenant toutes les mesures de sécurité nécessaires.
Reste à comprendre les véritables raisons de ce comportement hostile. Une telle attitude semble étrangère à la culture tunisienne, voire musulmane, qui accorde le plus grand intérêt aux rites funéraires.
Mouldi Lahmar, professeur de sociologie à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, donne à Sputnik son point de vue:
«On n’a pas peur de la pandémie seulement parce qu’elle est contagieuse et tue, mais aussi parce qu’elle casse les rites funéraires, c’est-à-dire qu’elle rend la mort suspecte, anormale et incontrôlable. L’enterrement des personnes décédées à cause du virus empêche ces rites. Pire, il rend la victime étrangère aux siens et c’est de là que vient l’inquiétude.»
«Une chose est sûre, la mort et la naissance resteront toujours sources de joie et d’inquiétude à vivre et à gérer individuellement et collectivement.»
Les campagnes de sensibilisation à ces protocoles d’enterrement semblent toutefois porter leurs fruits. Ce jeudi 9 avril, l’enterrement d’une nouvelle victime du coronavirus à la municipalité d’El Mornaguia (gouvernorat de Mannouba) s’est déroulé sans heurt. Une bonne nouvelle, s’il en est, d’autant que nombre de décès est en augmentation en Tunisie. Le pays a enregistré 25 morts pour 643 cas de contamination.