Le Covid-19 n’épargne aucune communauté au pays de l’érable, pas même celles vivant dans des territoires éloignés, comme certaines nations amérindiennes.
Le 7 avril, l’organisme fédéral Services aux Autochtones Canada a annoncé que 35 membres des Premières Nations avaient été testés positifs au Covid-19, alors qu’ils étaient encore 15 le 1er avril. Le 21 mars, l’Assemblée des Premières Nations a décrété l’état d’urgence dans l’espoir de freiner la contagion.
«Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont pris certaines mesures pour aider les Premières Nations, mais celles-ci ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins. Des mesures supplémentaires doivent être prises immédiatement», a averti la plus haute instance représentative des personnes autochtones au pays le 21 mars.
Le manque de ressources médicales sur leurs territoires est un problème grave que dénoncent année après année certains leaders autochtones. En février dernier, avant que l’on découvre les effets destructeurs du Covid-19, de grands chefs de la province du Manitoba s’étaient d’ailleurs rendus à Cuba pour lancer un partenariat avec des professionnels de santé cubains. Selon Jerry Daniels, grand chef de l’organisation des chefs du Sud du Manitoba, l’État canadien peine à assurer la santé des Premières Nations.
«Il y a des ratés systémiques dans le système de santé public au Canada par rapport aux personnes indigènes. [...] Nous sollicitons donc l’aide de professionnels de santé cubains. [...] Nous voudrions aussi que des personnes de nos communautés bénéficient du programme de formation des professionnels de santé cubains», soulignait le grand chef Daniels au micro de Sputnik le 3 mars dernier.
Pour Marie Chantal Dubois, initiatrice de ce partenariat et attachée de presse du grand chef Daniels, le personnel médical cubain est plus que jamais nécessaire sur les territoires autochtones dans le contexte de la pandémie.
Un grave manque de ressources sur les territoires autochtones
Le 28 mars dernier, l’organisation des chefs du Sud du Manitoba a envoyé une lettre au Premier ministre Justin Trudeau pour lui demander d’autoriser Cuba à venir en aide aux Premières Nations.
«Nous voulons que le gouvernement canadien travaille avec nous afin de permettre aux équipes de santé cubaines de venir épauler nos organismes communautaires à freiner la propagation du Covid-19. Le nombre actuel de travailleurs disponibles sur place sera loin d’être suffisant [...]. Nous vous demandons de nous soutenir en faisant une demande immédiate à la République de Cuba», peut-on lire dans une lettre adressée à Justin Trudeau, dont Sputnik a obtenu copie.
Marie Chantal Dubois estime que les personnes autochtones sont particulièrement à risque de développer des complications si elles contractent le Covid-19:
«Les Autochtones sont les personnes qui vont être le plus touchées. La situation pourrait être pire qu’en Italie, car les taux de diabète sont extrêmement élevés dans les territoires. Il y a beaucoup de gens qui ont des systèmes immunitaires très déficients. [...] Comme ils sont très à risque, les Autochtones risquent de surcharger le système de santé des provinces s’ils doivent se déplacer dans les villes. La question n’est pas seulement de protéger la santé des Autochtones, mais aussi celle des Canadiens en général. S’il y a une surcharge du système, tout le monde va en payer le prix», prévient-elle à notre micro.
Le 30 mars, Chrystia Freeland, Vice-Premier ministre du Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, a rejeté la demande de l’organisation des chefs du Sud du Manitoba en répondant à la question d’un journaliste lors d’un point de presse.
«Le système de santé du Canada, qui est composé de professionnels de la santé exceptionnels, a la capacité de relever ce défi extraordinaire», a alors affirmé Mme Freeland. «Une réponse strictement politique qui s’explique surtout par la dépendance économique du Canada envers les États-Unis», estime Mme Dubois. Rappelons qu’au moins 20% du PIB du Canada dépend directement de l’économie américaine.
«Cuba est assez bon pour les Italiens, mais ne le serait pas assez pour le Canada? Cuba est assez bon pour les départements français d’outre-mer, mais pas assez pour le Canada? [...] Ottawa n’est pas prêt. En temps de crise, la Vice-Première ministre devrait aller au-delà des mauvaises relations entre Cuba et les États-Unis et faire preuve de courage politique. Nos dirigeants doivent être capables de prendre des décisions difficiles, car c’est une question de santé publique pour tous les Canadiens. [...] Par contre, la situation évolue tellement vite qu’Ottawa pourrait finir par changer d’idée», a-t-elle conclu.