«Les agriculteurs ont peur comme le reste de la population.»
Patrick Maurin, élu du Lot-et-Garonne, connu pour ses «marches» à travers le pays à la rencontre des agriculteurs, est conscient du moment historique que vit la France. En première ligne, durant cette crise sanitaire d'une ampleur inédite, les agriculteurs sont à pied d'œuvre pour continuer à alimenter le pays. La France est un acteur de premier plan en la matière. D'après un rapport d'information du Sénat datant du 28 mai 2019, elle représente à elle seule près de 17% de la production européenne.
Un avant et un après coronavirus pour l’agriculture de France?
Secteur en difficulté, avec un taux de suicide record, plus de deux par jour selon les chiffres de la Mutualité sociale agricole parus à l'été 2019, l'agriculture française aspire à de grands bouleversements. Depuis le début de l'épidémie de coronavirus qui frappe la planète, plusieurs économistes appellent à changer de paradigme. La crise sanitaire a fait apparaître les faiblesses d'un monde peut-être trop «mondialisé».
Emmanuel Macron invite à rapatrier les usines, de même que Donald Trump. Dans une récente tribune publiée dans le journal Le Monde, les économistes Maxime Combes, Geneviève Azam, Thomas Coutrot et le sociologue Christophe Aguiton ont lancé l'alerte:
«Relocaliser n’est plus une option mais une condition de survie de nos systèmes économiques et sociaux.»
Quid de l'agriculture française? Moins d'importations, plus de production locale et de circuits courts: c'est le souhait de nombreux acteurs du secteur. Et celui de Patrick Maurin:
«L'espoir est là. C'est mon combat depuis des années. L'agriculture française est la meilleure au monde. Il faut produire français, manger français. Ces traités comme le CETA ou le TAFTA sont néfastes. Aujourd'hui, nous nous apercevons que nos agriculteurs sont essentiels à la vie de la nation comme les personnels soignants. Nos agriculteurs sont en première ligne pour nous mettre à manger sur la table et heureusement. J'espère qu'une fois la crise sanitaire terminée, nous nous efforcerons de mettre en avant les circuits courts et la vente locale. Il est primordial que nos agriculteurs soient rémunérés à la juste valeur de leur travail.»
«Rejoignez la grande armée de l'agriculture française!» C'est le cri de guerre lancé par le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume. Il a appelé les Français confinés à venir en aide aux agriculteurs afin que ces derniers continuent de nourrir les citoyens de France.
«Les Français ont répondu à l'appel. Plus de 150.000 personnes se sont inscrites afin de rendre service et aider les agriculteurs», se félicite Patrick Maurin.
L'agriculture est donc soutenue au niveau national. Et l'Union européenne (UE)? La politique agricole commune (PAC) donne le la dans le secteur agricole. Pour combien de temps? La crise sanitaire qui frappe l'Europe a mis Bruxelles sous le feu des critiques. De nombreux pays sont mécontents du manque de solidarité dont font preuve les membres de l’UE. En Italie, des citoyens de la Péninsule se filment brûlant des drapeaux européens au son de «Fratelli d'Italia», l'hymne italien. Pour Patrick Maurin, l'Europe doit se remettre en question et pas seulement au niveau agricole:
«Il y a des pays très énervés, notamment au sud du Vieux Continent. L'Union européenne doit faire une introspection. Les décisions au niveau de Bruxelles se font attendre concernant les masques et le matériel de soin. L'Italie demande l'aide du Venezuela, de Cuba, de la Russie, de la Chine. En France, nous sommes dépendants de Pékin pour l'approvisionnement en masques. Nous pourrions travailler au niveau européen. Ceci étant dit, il ne faut pas dire que la solidarité européenne n'existe pas. Des hôpitaux allemands accueillent des malades français par exemple. Mais tout ceci n'est pas suffisant.»
La crise actuelle est-elle de nature à bouleverser l'agriculture française? Patrick Maurin l'appelle de ses vœux:
«Après chaque malheur vient un bonheur. Je compte énormément sur une remise en question à la suite de cette crise. Il faut ouvrir les yeux et prendre soin de nos infirmières, de nos docteurs, de nos agriculteurs. Il faut que cette crise change tout. Le temps des restrictions budgétaires est terminé. Le temps du soutien est venu.»