Professeur agrégé de rhumatologie, le professeur Moustapha Mijiyawa est ministre de la Santé et de la Protection civile depuis 2015, après avoir dirigé pendant 25 ans le service de rhumatologie du CHU Sylvanus Olympio et pendant 20 ans l’École nationale des auxiliaires médicaux de Lomé.
Depuis le 6 mars dernier, date de l’enregistrement du premier malade du Covid-19 au Togo, Moustapha Mijiyawa est l’un des hommes les plus sollicités du gouvernement de Komi Sélom Klassou. Aujourd’hui, et avec quelques dizaines de cas déclarés dont deux morts, le pays se tourne vers un traitement à base de chloroquine, une molécule antipaludique et à ce titre «bien connue» du continent africain, affirme le ministre dans un entretien à Sputnik, deux jours avant que l’état d’urgence sanitaire ne soit décrété par le Président Faure Gnassingbé, le 1er avril.
La chloroquine ne constitue pas, pour autant, l’unique protocole de traitement envisagé par les experts togolais, encore que certains malades soient d’ores et déjà soumis à ce traitement avec «des résultats assez prometteurs». Le ministre Moustapha Mijiyawa plaide, d’ailleurs, pour donner sa chance à la chloroquine et ne pas l’exclure sous prétexte que ce serait un médicament ancien. En effet, «plus un médicament est ancien, plus ses risques sont connus», affirme-t-il.
Sputnik: Professeur Moustapha Mijiyawa, vous êtes le ministre togolais de la Santé et de la Protection civile, comment avez-vous réagi à l’annonce du premier cas de Covid-19?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Au Togo, dès le départ, un comité de crise a été mis en place par le chef de l’État, avec une cellule de coordination nationale. Le premier cas que le pays a enregistré a été annoncé par le chef du gouvernement lui-même, le 6 mars dernier. Après, il y a eu trois autres communiqués des autorités expliquant notamment les mesures barrières afin d’éviter la propagation du virus. D’autres dispositions ont été prises au niveau des frontières, aussi bien terrestres que maritimes, visant à examiner tous les entrants à la recherche du moindre symptôme et, en cas de suspicion, procéder au dépistage.»
Sputnik: Près d’un mois après le premier cas, comment s’organise, au quotidien, la lutte du gouvernement contre la pandémie?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Sur instruction du chef de l’État, une cellule a été mise en place qui se réunit tous les jours au sein du ministère de la Santé, pour faire un compte rendu aux plus hautes autorités. Nous avons été instruits d’impliquer tous les acteurs publics et privés. Le chef de l’État a également décidé, il y a quelques jours, de créer un centre dédié spécialement aux maladies émergentes ou réémergeantes. C’est pour cette raison que le Centre hospitalier régional de Lomé CHR abrite aujourd’hui tous les cas de Covid-19 au Togo. Dans ce cadre, il fait l’objet d’une réhabilitation approfondie et une commande d’équipements a été lancée pour doter cet établissement d’outils de réanimation appropriés à la prise en charge des malades. En même temps, cela permettra au pays d’accéder à tous les outils nécessaires pour booster notre système de santé. Et puis, un effort médiatique et de communication se déploie à différents niveaux. Objectif: la sensibilisation de la population aux mesures de prévention contre la propagation du Covid-19.»
Sputnik: La situation globale du Togo est moins grave que ce que l’on observe dans d’autres pays. Toutefois, on commence à enregistrer des décès. Peut-on toujours dire que vous avez la maîtrise de la situation?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Dire qu’on a la maîtrise d’une maladie comme celle-là, c’est excessif. Aucun pays au monde ne peut affirmer à ce jour qu’il maîtrise le Covid-19. Par contre, on peut assurer qu’un certain nombre de dispositions sont prises et qu’elles s’adaptent à l’évolution de la pandémie dans notre pays. C’est pourquoi, d’ailleurs, vous verrez que les mesures que nous décidons sont dynamiques. À chaque fois que l’on observe l’état de l’épidémie, on constate aussi l’applicabilité des dispositifs mis en place. Nous évoluons, donc, de proche en proche avec des mesures qui sont dictées par notre contexte et par l’évolution de la pandémie.»
Sputnik: Avez-vous des inquiétudes à ce jour quant à l’évolution des cas contaminés dans le pays?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Je ne souhaite pas que la maladie prenne, au Togo, des proportions difficilement cernables. Mais nous mettons en place les dispositions nécessaires [pour que cela n’arrive pas]. Le chef de l’État a d’ailleurs donné des instructions pour multiplier et rendre plus rapide le dépistage, et élaborer un protocole de traitement ayant probablement recours à la chloroquine. Nos experts sont en train de travailler là-dessus pour adopter rapidement un protocole adapté à notre situation.»
Sputnik: Vous avez donc fait votre choix en vous prononçant pour la chloroquine?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Nos experts sont en train d’élaborer le protocole d’admission. Et quelques-uns de nos malades sont déjà sous hydroxychloroquine. Sinon, il n’y a pas une seule option, un protocole figé et indéboulonnable. On va probablement commencer avec la chloroquine puis on verra les résultats qu’on va obtenir. Notez bien que les résultats de la chloroquine sont, quand même, assez prometteurs parce que c’est un médicament que nos populations utilisent de longue date. L’Afrique est le continent qui connaît le mieux ce produit et qui l’a le mieux utilisé dans le passé. Plus un médicament est ancien, plus ses risques sont connus. Donc il ne faut pas fermer la porte à un remède parce qu’il est ancien. Et il ne faut pas non plus faire seulement la promotion du nouveau. Je recommande qu’on y mette de la mesure.»
Sputnik: On constate à Lomé que les Togolais ne respectent pas les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la riposte au Covid-19. Qu’allez-vous faire?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Le gouvernement avisera en fonction du résultat de l’application des mesures actuelles. Pour cela, on tirera les leçons d’hier et d’ailleurs.»
Sputnik: Le Togo est limité au nord par le Burkina Faso, le Bénin à l’est et à l’ouest par le Ghana, tous des pays touchés par le coronavirus. Quel lien y a-t-il entre vous pour une riposte efficace?
Professeur Moustapha Mijiyawa: «Avec tous les ministres ouest-africains de la Santé, nous nous réunissons sur une plate-forme et tous les jours que Dieu fait, nous échangeons les informations, les leçons et les expériences.»