Soigner son apparence physique n’est pas qu’une affaire de femmes. Au Cameroun, se blanchir la peau est devenu un phénomène de mode et de plus en plus d’hommes s’y mettent. À l’aide de produits cosmétiques bon marché, beaucoup s’adonnent à la pratique de la dépigmentation. Séverin, gérant d’une agence de tourisme à Douala, a franchi le pas il y a quelques années.
«J’ai toujours voulu avoir une peau plus claire. Je trouve que c’est plus présentable et propre (sic). Je me ravitaille tous les deux mois en produits de beauté. Ce n’est pas pour imiter les femmes, c’est un choix personnel», se défend-il au micro de Sputnik.
Dans les rues des principales villes du pays, il n’est plus étonnant de voir un homme avec des mains ou des pieds noirs alors que le visage est presque métissé. Certains sont devenus accros au phénomène par effet de mode ou pour s’identifier à des stars du showbiz. C’est le cas de Kévine. À 28 ans, cet artiste chanteur en herbe avoue avoir commencé à se blanchir la peau pour ressembler à ses idoles.
«Je suis fan de certains artistes congolais qui ont la peau éclaircie. La peau de beaucoup de ceux que j’admire est devenue plus claire avec le temps. Et puisque je m’identifie à certains, je fais l’effort d’être comme eux en utilisant des produits dépigmentants», avoue-t-il au micro de Sputnik.
«La première fois qu’un homme m’a contactée [pour ces produits], il m’a fait entendre qu’il les achetait pour son épouse. Mais j’ai fini par me rendre compte que ces produits étaient destinés à son usage personnel. Il me l’a avoué lors d’un énième achat, quand il m’a dit voir le changement et en apprécier l’efficacité. Chaque semaine, je reçois au moins cinq commandes venant d’hommes», confie-t-elle.
Un complexe d’infériorité
Dans les réseaux de vente en ligne, cette clientèle se recrute par dizaines. Lucie Ngah, vendeuse de produits de beauté non éclaircissants, en a fait l’expérience. Elle nous confie que la plupart des hommes qui ont recours à ses produits les achètent pour atténuer les effets de la dépigmentation volontaire de leur peau.
«Certains de mes clients hommes qui se décapent la peau prennent souvent mon savon naturel pour en atténuer les effets négatifs sur leur peau tels que les veines verdâtres qui apparaissent, les boutons et les rougeurs», précise-t-elle.
«La dépigmentation, du point de vue psychologique, est le refus de l’image que l’on a de soi et le projet d’une modification vers un idéal construit mentalement. La principale motivation des hommes comme des femmes résulte de l’appréciation en termes d’admiration ou non des autres vis-à-vis de soi», explique l’expert.
Pour le sociologue, ce comportement résulte du «prestige» que l’on prête aux Blancs et autres hommes de teint clair sous les latitudes africaines. En outre, souligne-t-il, certaines personnes s’y mettent par suivisme ou dans l’optique de faire une démonstration de leur réussite socioéconomique.
«En Afrique noire particulièrement, la peau claire est réputée très proche de l’idéal blanc. Les métisses ont d’ailleurs énormément de succès. La peau claire est aussi parfois la preuve d’un pouvoir économique qui permet de donner à sa peau la couleur que l’on veut. En définitive, la motivation essentielle est un complexe d’infériorité par rapport à la pigmentation naturelle de la peau», explique-t-il.
Mais les effets néfastes de la dépigmentation ne se limitent pas aux seuls dérèglements psychologiques qu’elle révèle.
La société civile camerounaise procède régulièrement à des campagnes de sensibilisation sur les conséquences à long terme du recours à cette pratique. Sans succès, apparemment. En attendant que les clés du changement des mentalités soient actionnées, la dépigmentation continue d’avoir la peau dure…