C’était l’un des arguments préférés de Donald Trump. Depuis le début de son mandat, le locataire de la Maison-Blanche n’a cessé de rappeler que sous sa présidence, le nombre de demandeurs d’emploi était tombé à un niveau historiquement faible aux États-Unis. Mais l’épidémie de coronavirus qui frappe durement les États-Unis pourrait bien bouleverser la donne.
Une situation bien pire qu’en 2008?
Désormais premier foyer mondial de contamination avec plus de 143.000 cas recensés et un bilan qui dépasse les 2.500 morts, les États-Unis, à l’instar de nombreux pays, ont dû prendre des mesures drastiques pour éviter la propagation du virus. De nombreux États, comme New York ou la Californie, ont ordonné confinements et fermetures d’établissements recevant du public. Plus de la moitié des Américains sont appelés à rester chez eux. Donald Trump a d’ores et déjà annoncé la prolongation des mesures visant à ralentir la propagation du Covid-19 jusqu’à fin avril.
C’est dans ce contexte très tendu que lors de la semaine allant du 15 au 21 mars, pas moins de 3,3 millions d’individus ont fait une demande d’allocations chômage aux États-Unis. Ce sont trois millions de plus que la semaine précédente. Un chiffre qui fait tout simplement office de record, le précédent pic ayant été enregistré en octobre 1982 avec 695.000 nouvelles demandes. En février, le taux de chômage était de 3,5% aux États-Unis, le plus faible depuis un demi-siècle. Les prochains chiffres qui seront publiés le 3 avril devraient donc être très mauvais. Steve Mnuchin, secrétaire d’État au Trésor, a évoqué un possible taux record de 20%. Sans surprise, le département du Travail a publié un communiqué rendant l’épidémie responsable de ces mauvais chiffres:
«La hausse extraordinaire des premières demandes est due aux effets [de l’épidémie, ndlr] de Covid-19.»
Certains secteurs souffrent particulièrement de la crise. Les services sont notamment frappés de plein fouet, comme la restauration ou l’hébergement. Le département du Travail a également précisé que «les soins de santé et l’assistance sociale, les arts, les divertissements et les loisirs, les industries du transport, de l’entreposage et de la fabrication» étaient touchés.
La Californie, État le plus riche des États-Unis, paie un lourd tribut au niveau économique et social. Le «Golden State» (l’État doré) a reçu environ un million de demandes d’inscriptions au chômage en moins de 15 jours. Chloée O’Hayon-Crosby, costumière à Hollywood a confié son désarroi à nos confrères de Ouest-France.
«Il n’y a pas d’autres moyens de travailler. Je ne peux plus exercer mon métier avec le coronavirus: en tant que styliste, j’ai absolument besoin de pouvoir toucher les mannequins lors des essayages. De toute façon, à cause du confinement, tous les studios de cinéma et les magasins de Los Angeles avec lesquels je collaborais ont fermé. Depuis cette semaine, je n’ai plus de rentrée d’argent. C’est difficile…»
Washington a sorti l’artillerie lourde pour tenter d’amortir la chute. Le 25 mars, le Sénat a approuvé un plan d’aide d’un montant record de 2.000 milliards de dollars. Cette somme servira notamment à verser 1.200 dollars (1.090 euros) aux personnes gagnant moins de 75.000 dollars (68.000 euros) par an. Pas suffisant pour Chloée O’Hayon-Crosby:
«C’est tout de suite que l’on a besoin d’aide. Le coût de la vie est tellement élevé en Californie que beaucoup de gens n’ont pas la possibilité de mettre de l’argent de côté à utiliser en cas de coup dur.»
Autre milieu aux abois: la restauration. Avec plus d’un million de bars, de fast-food et de restaurants présents dans le pays, ce secteur vital pour l’économie américaine est le deuxième plus important employeur du pays derrière le secteur de la santé.
Afin d’éviter la catastrophe, les restaurateurs américains ont réclamé une aide de 455 milliards de dollars à Washington, qui comprendrait un fonds d’urgence doté de 100 milliards de dollars, ainsi que 130 milliards de dollars pour payer les allocations chômage et 45 milliards de dollars de prêts. Même le chef Tom Colicchio, le très célèbre présentateur de l’émission Top Chef outre-Atlantique, a signé une pétition intitulée «Sauver les restaurants d’Amérique». Les signataires rappellent notamment que l’heure est grave:
«Nous sommes au bord de l’extinction.»
A l’instar d’Emmanuel Macron, Donald Trump est la cible de beaucoup de critiques concernant sa gestion de la crise. Joe Biden, ancien vice-Président des États-Unis et probable candidat démocrate à la Présidentielle de novembre, a fait feu de tout bois sur son rival presque désigné. Si Donald Trump «n’est pas responsable du coronavirus», «il porte l’entière responsabilité de la réponse lente et non coordonnée» à la crise. D’après Joe Biden, «au moins trois millions de personnes n’ont plus d’emploi parce que notre Président n’a pas fait son travail quand c’était important.»
La crise est cependant loin d’être finie, surtout si l’on en croit Anthony Fauci, immunologiste et principal conseiller de Donald Trump concernant le Covid-19. Cité par CNN, il affirme que le nombre total de personnes contaminées aux États-Unis devraient dépasser plusieurs millions. Quant au nombre de décès, il pourrait être compris entre 100 et 200.000.
«Les modèles donnent le pire et le meilleur des scénarios. Et généralement, la réalité se situe quelque part au milieu. Je n’ai jamais vu, parmi les maladies sur lesquelles j’ai eu à travailler, un modèle dont le pire des cas se réalisait. Ils sont toujours surestimés», a-t-il précisé.
En attendant, des économistes de Pantheon Macroeconomics ont relevé un fait très révélateur de la morosité économique ambiante qui frappe actuellement les États-Unis. Le nombre de recherches Google «déposer une demande de chômage» est actuellement environ huit fois supérieur à ce qu’il était en février 2009. Nous étions alors en pleine crise des subprimes.