Éric Le Provos, cuisinier originaire de Saint-Malo, habite à Moscou depuis presque trois décennies. Dans une interview accordée à Sputnik, le propriétaire du nouveau restaurant Le Carré inauguré il y a peu dans la capitale russe, a partagé son expérience de vie et de travail en Russie depuis les années 1990.
L’énergie de Moscou, «du 380 volts»
C’est à une époque de grands bouleversements qu’Éric Le Provos est arrivé en Russie, alors que le pays venait subitement de sortir du communisme. Ces années ont été «des années folles, les plus belles années que j’ai eues», confie le chef, avant de poursuivre:
«Ce que j’ai vécu à Moscou, cette énergie, c’était du 380 volts, cela allait dans tous les sens. […] Il y a des fois lorsqu’on va ailleurs, on trouve que tout le monde dort. C’est un autre défaut aussi parce qu’on vit à 400 à l’heure. On est hyper-stressés, c’est pour cela qu’il faut relativiser les choses.»
Des délices français au cœur de la Russie
Le Carré est une aventure inspirée par l’ancien restaurant Le Carré Blanc, dont M.Le Provos avait été le copropriétaire. Avec de nouvelles couleurs saupoudrées de nostalgie, le plus important reste de pouvoir retrouver sa clientèle, en grande majorité inchangée:
«Le plus grand plaisir, c’est tout simplement de retrouver ses clients qui viennent vous voir et qui vous disent "on vous a attendu si longtemps", parce qu’ils voulaient retrouver ma cuisine.»
«Il n’y a plus de restaurants français à Moscou», explique le chef renommé, pour qui le mélange des cuisines bourgeoise, classique, traditionnelle et créative offre justement de l’intérêt.
Des produits russes dans l’assiette
«Sur ce projet, j’essaie un maximum de travailler avec des producteurs russes en direct.»
D’après le chef français, les sanctions se sont avérées être un avantage pour les Russes:
«Ils ont eu un réveil impressionnant. Quand j’ai vu les fromages arriver en 2016, j’étais impressionné de la qualité qu’ils ont sortie. Et c’est pareil au niveau de la viande. La viande est arrivée aussi. De la viande de qualité.»
Le Carré propose aussi à ses clients de la soupe à l’oignon, du tartare et certains poissons comme du sandre et du mulet:
«On va bientôt mettre en place chaque semaine un événement sur un plat», dévoile le chef qui envisage également de proposer à ses clients de l’éperlan d’Europe, très populaire à Saint-Pétersbourg, mais aussi de la bouillabaisse qui sera faite à base de produits étrangers «pour respecter la recette».
«Cela me permet de jouer avec toute cette clientèle qui veut goûter et déguster de la cuisine française à un prix abordable et, à côté de cela, des gens qui veulent se faire plaisir sur des produits qui sont plus chers, comme les Saint-Jacques, comme le foie gras, comme la biche, comme le bœuf.»
«Il vaut mieux avoir 100 relations que 100 roubles»
L’équipe de ce Français qui avait monté auparavant une autre entreprise, le bistrot français à Moscou, est purement russe. Et c’est presque la même chose pour sa clientèle. D’après M.Le Provos, la recette gagnante de son établissement repose sur «une communion avec [les clients] qui deviennent des amis».
La notion de communication est primordiale pour lui, une notion qu’il transmet à ses employés:
«J’ai toujours été quelqu’un qui a essayé de créer des relations entre les gens. […] Donc, c’est un gros avantage. C’est la vie en Russie. Comme on dit, il vaut mieux avoir 100 relations que 100 roubles. De ce côté-là, à la rigueur, je pourrais dire: c’est fantastique.»
Un nouveau genre d’aventure à l’horizon?
Durant 30 ans après son grand choix de vie, Éric le Provos n’a plus jamais changé de pays. Outre sa famille, ses amis et sa clientèle qui lui restent fidèles, le chef explique qu’«à chaque fois qu’[il] arrêtait un projet, on [lui] proposait un autre projet plus intéressant».
Estimant que le niveau des cuisiniers en Russie a régressé, Éric Le Provos envisage désormais d’aborder un autre aspect de la profession, celui de la transmission du métier à la jeunesse:
«Je vais me remettre en contact avec des écoles pour prendre des jeunes et en même temps aller dans les écoles pour leur faire des master-classes en échange de quoi ils me donnent des étudiants qui veulent apprendre et qui veulent sortir. [Ceci], pour continuer à donner […] l’amour de ce métier.»