«La première fois que l’on a entendu parler de mesures de cloisonnement dans le monde à cause du virus, beaucoup de gens ici à Gaza faisaient des blagues car même si on peut sortir de chez nous, on vit le cloisonnement dans l’enclave depuis 14 ans», plaisante au micro de Sputnik France, Hasan Jamal, résident de la bande de Gaza.
Dans la section opinion du journal Hareetz, un des quatre grands quotidiens nationaux en Israël, Shannon Maree Torrens, une avocate internationale spécialisée dans les droits de l’Homme, titrait le 12 mars: «Le coronavirus est la sentence de mort pour les Palestiniens emprisonnés à Gaza.» Et de fait, la bande de Gaza est une des zones qui peut être parmi les plus menacées par l’épidémie du coronavirus.
Pour bien prendre la mesure de la menace qui pèse sur la bande de Gaza, il faut avoir en tête quelques chiffres : Gaza, c’est environ 2 millions d’habitants pour 365 kilomètres carrés. Ça fait 5.479,45 personnes au kilomètre carré. Une densité de population absolument faramineuse pour une enclave qui est soumise à un blocus aérien, terrestre et maritime, et dont les infrastructures médicales sont limitées au strict minimum.
D’autant que sur ces 2 millions d’habitants, 1,4 million sont des réfugiés. Beaucoup d’entre eux ont peu de ressources, qu’elles soient financières, institutionnelles ou autres. Les infrastructures sanitaires sont très largement en dessous du niveau auquel elles devraient être pour gérer une telle crise si elle devait avoir lieu. Abdelnaser Soboh, le dirigeant du bureau de l’OMS à Gaza, a récemment expliqué que le territoire était seulement prêt à traiter quelques cas, mais pas une épidémie généralisée:
«Gaza est préparée à gérer quelques cas préliminaires. Au-delà de ces premiers cas, nous aurons besoin de plus d’aide», a-t-il déclaré au micro du Times of Israël.
En juin 2019, le ministère de la Santé à Gaza faisait état d’une situation médicale alarmante, indiquant que «les patients des hôpitaux de Gaza connaissent des difficultés sans précédent dans les conditions médicales en raison de la grave pénurie de médicaments». Selon le même communiqué, 52% des fournitures médicales de base manquaient à Gaza. Quelques mois plus tard, la situation ne s’est pas particulièrement améliorée et la contagion d’un ou deux individus dans l’enclave pourrait se propager comme un feu de paille. Les habitants de Gaza le savent et s’en inquiètent:
«À mesure que la crise s’est intensifiée ailleurs, les habitants à Gaza ont commencé à prendre le problème au sérieux et l’anxiété a gagné toute l’enclave. Les gens sont terrifiés à l’idée que le virus entre à Gaza», a confié à Sputnik Hasan Jamal, résident de la bande de Gaza.
Pourtant, «à toute chose malheur est bon» et dans le cas de Gaza, il se peut que le blocus dont elle fait l’objet soit son assurance vie. Jusqu’à présent, les autorités à Gaza n’ont fait état d’aucun cas de coronavirus. Compte tenu des niveaux de contamination dans les pays avoisinants (Israël et l’Égypte) et du niveau de propagation général du virus dans le monde, il n’y a que le blocus qui puisse expliquer rationnellement qu’il n’y ait pas encore d’individu contaminé.
Le blocus, une force et une faiblesse
Du côté israélien aussi, on craint tout de même le pire. Une propagation éclair dans la très dense bande de Gaza aurait de facto un impact immense sur le voisin israélien. Tant d’un point de vue politique qu’économique ou militaire. C’est pourquoi les autorités israéliennes espèrent que le blocus pourra protéger Gaza de cette épidémie. Et selon Gil Mihaely, spécialiste de la vie politique israélienne contacté par Sputnik France, cela pourrait être le cas:
« Ils vivent en permanence ce que nous vivons maintenant. Si cette situation de confinement marche pour nous, elle devrait marcher pour eux. Le fait qu’ils soient déconnectés du monde, entourés de frontières très étanches pourrait les garder loin de tout cela.»
D’autant qu’il est très peu probable que les Palestiniens vivant à Gaza, ou même ailleurs en l’occurrence, puissent compter sur l’aide de leurs alliés arabes traditionnels. Comme le spécialiste du Moyen-Orient Christian Chesnot l’expliquait dans un entretien à Sputnik, pour la plupart des pays arabes, «la cause palestinienne appartient un peu au passé». Ils ont désormais d’autres chats à fouetter.