Yassir, le VTC algérien qui tient tête à Uber

Yassir, la plateforme algérienne de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), compte élargir ses activités et s’étendre «dans d’autres continents». Noureddine Tayebi, fondateur de Ya Technologies, affirme ne pas craindre l’offensive de Careem, la filiale d’Uber qui tente de prendre des parts de marché en Algérie.
Sputnik

Dimanche 8 mars, des milliers d’utilisateurs de Yassir ont reçu une notification annonçant le rachat du VTC algérien par son concurrent Careem. Installé en Algérie dans le courant de l’année 2019, Careem est en fait la filiale d’Uber pour les pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA).

L’information sur le rachat a fait le tour de la toile et sera même reprise par la presse. Les deux entreprises ont fini par démentir la rumeur. Yassir, qui totaliserait au moins dix fois plus de véhicules que son concurrent, a annoncé qu’une cession «ne figure nullement dans la politique de développement de l’entreprise, qui songe à s’étendre sur le plan international et élargir sa gamme de services». 

Le message transmis à travers la plateforme de Yassir était-il un acte de piratage? Surtout que le VTC algérien a déjà été confronté à une situation similaire au lendemain de l’élection du Président Abdelmadjid Tebboune. De nombreuses personnes avaient reçu un message dans lequel Yassir félicitait publiquement le nouveau chef de l’État, ce qui avait eu pour effet de provoquer la colère d’une grande partie de la communauté des utilisateurs. La start-up avait dû réagir dans un long communiqué en arabe et en français pour tenter de gérer cette crise, alors que la rue algérienne continuait de se mobiliser contre «le système» un an après le déclenchement du Hirak.

Contacté par Sputnik, Noureddine Tayebi, membre fondateur et dirigeant de Ya Technologies, la start-up qui a créé l’application Yassir, revient sur cette affaire.
«La notification du 8 mars n’était pas un acte de piratage. Notre plateforme ainsi que les données des utilisateurs sont totalement sécurisées, il n’y a aucun moyen de les pirater. C’est seulement une utilisation informatique d’une personne tierce qui a simulé une identité et envoyé un message à des utilisateurs. Cette entité voulait nous nuire et a fait circuler cette rumeur. Nous n’avons aucune intention de vendre Yassir, nous sommes inscrits dans une stratégie de pérennité. La présence en Algérie de grands concurrents ne nous effraie pas, au contraire, c’est un stimulant» assure Noureddine Tayebi qui réside dans la Silicon Valley, en Californie.

Stratégie d’expansion

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Lancé en 2017 par Mehdi Yettou et Noureddine Tayebi, tous deux diplômés de l’École polytechnique d’Alger et qui étaient partis poursuivre leurs études en Amérique du Nord, Yassir est très vite une réussite. La plateforme s’avère être une solution pratique à la problématique du transport urbain à Alger et dans les grandes villes du pays. Elle permet également d’offrir des revenus complémentaires à des milliers de propriétaires de véhicules.

En matière de chiffres, Noureddine Tayebi préfère rester discret: il sera impossible de connaître le nombre de chauffeurs en activité en Algérie, ainsi qu’en Tunisie et au Maroc –deux pays du Maghreb où, dit-il, «Yassir connaît une forte croissance».

Au cours de l’année 2019, la start-up a inclus dans sa plateforme VTC «Yassir Food», un service de livraison à domicile. Mais les dirigeants de Ya Technologie en veulent plus, beaucoup plus.

«La stratégie de Yassir depuis le début était de créer un écosystème, cela n’a jamais été uniquement le transport. Nous avons commencé par ce secteur car il y a un potentiel de croissance très important et rapide. Nous sommes leaders sur le marché algérien et nous continuons de grandir. Notre objectif est de diversifier nos activités. Nous serons présents dès le mois de juin prochain dans cinq nouveaux pays. Nous l’annoncerons au moment opportun. Je peux assurer que Yassir aura bientôt une présence dans les cinq continents et compte prendre des parts de marché là où nos concurrents sont déjà bien installés», affirme Noureddine Tayebi.

Les fonctionnaires, un facteur bloquant 

Le dirigeant de Ya Technologies dit suivre avec intérêt la démarche des autorités algériennes en matière de promotion de start-up. L’actuel gouvernement compte un ministère de la Micro-entreprise, des Start-up et de l'Économie de la connaissance.

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La création d’un écosystème favorable à l’éclosion de ce genre d’entreprises est abordée en permanence par les membres de l’exécutif. Le ministre du Commerce, Said Djellab, explique qu’«au gouvernement, nous sommes en train de préparer un écosystème favorable aux start-uppeurs et auto-entrepreneurs. Chaque département ministériel se penche actuellement sur la valorisation de ses jeunes pousses». Noureddine Tayebi se montre toutefois critique face aux déclarations des officiels. Il estime qu’une trop forte implication des fonctionnaires dans un concept de libre entreprise pourrait faire échouer l’initiative gouvernementale.

«Le gouvernement peut jouer un rôle très actif. Cependant, du côté officiel, les personnes qui peuvent participer efficacement à la mise en place d’un écosystème doivent avoir une réelle expérience. Il n’est pas possible de demander à des personnes qui ont toujours été salariées dans l’administration de créer un écosystème pour les start-up. De plus, il n’est pas du ressort du gouvernement de contrôler ou de financer ce genre d’entreprise. Il doit se limiter à son rôle de législateur. À mon avis, les personnes qui prennent des décisions politiques en sont conscientes», souligne le patron de Ya Technologies.

Noureddine Tayebi se montre donc très optimiste. Il se dit prêt à participer à activement à accompagner les initiatives de jeunes Algériens et «pas uniquement dans les nouvelles technologies car le modèle de start-up concerne tous les secteurs d’activités».

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