Privatisation de la guerre: «Le continent africain en devient le laboratoire»

Il y a une tendance mondiale à la privatisation de l’interventionnisme, notamment en Afrique. François Chauvancy, ancien général de brigade, et Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), expliquent au Désordre mondial comment les sociétés militaires privées ont évolué.
Sputnik

Le commerce n’est pas la seule chose à s’être mondialisée. La guerre est aussi devenue moins politique qu’idéologique et économique, transcendant les frontières géographiques. Des anciens combattants américains entraînent des soldats sud-américains pour servir les Émirats arabes unis...

Des forces de sécurité chinoises formées par des anciens combattants américains embauchés par des entreprises publiques chinoises sont déployées à travers le Moyen-Orient et l’Afrique pour appuyer des projets de la nouvelle route de la soie... Des chefs d’État africains font venir des guerriers d’autres nations africaines –via des hommes d’affaires étrangers– pour lutter contre leur opposition. Tout cela rend le brouillard de la guerre encore plus dense.

Le Général François Chauvancy, ancien général de brigade de l’armée de terre et docteur en sciences de l’information et de la communication, explique cette nouvelle tendance:

«La guerre hybride veut dire en fait qu’aucun État n’assume la totale responsabilité des opérations armées qu’ils mènent quand même. Et l’avantage d’un mercenaire, quel que soit son format, quel que soit le type de société, fait que ce n’est pas l’État qui est responsable, mais des individus que l’on a embauchés. Et effectivement, quand il y a une bavure, on condamne l’individu et non pas l’État. On évite toutes les polémiques internationales. On évite toutes les contestations. Et on dit, “Non, non, ce n’est pas moi. C’est un individu qui n’a pas compris la mission.” Donc il comparaît devant un tribunal, et ça c’est une certaine forme, je le reconnais, d’hypocrisie.»

Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), estime que «le continent africain devient un peu le laboratoire» de cette privatisation de la guerre et cite une raison donnée par l’un des principaux États qui s’adonne à cette pratique:

«Pourquoi les Américains sont-ils en train d’externaliser? Les États-Unis n’ont pas signé le Traité de Rome impliquant la Cour Pénale Internationale. La plupart des sous-traitants américains ne sont pas justiciables devant la justice internationale. Ce qui s’est passé en Irak en est un exemple.»

La France s’apprête-t-elle aussi à jouer à ce jeu? Le Général Chauvancy réagit:

«Le tropisme français est de vouloir appliquer le droit à tout prix, notamment le droit international, d’être très clean, je pense que l’on ne va pas changer beaucoup.»
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