Les États-Unis viennent de publier un nouveau rapport détaillant les principales menaces qui pèseraient sur le pays. Un document publié par le Centre National de contre-espionnage et de Sécurité des États-Unis. Le monde du renseignement est normalement discret, pourquoi donc diffuser au grand public un tel rapport?
Éric Dénécé directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) revient sur les détails –et les surprises– qui figurent dans le document, et explique:
«Le fait qu’il soit publié montre que les Américains se croient encore le centre du monde. Ils le sont d’une certaine façon, mais se croient surtout la cible de toute l’agressivité des États étrangers, alors qu’en réalité s’il y a bien un État qui dans le monde agresse les autres et essaie d’imposer sa volonté sur le plan politique, militaire ou économique, c’est Washington.»
Mais y a-t-il réellement des menaces existentielles envers le pays qui est le numéro un mondial –et de très loin– dans le domaine de dépenses militaires et sécuritaires? D’après l’auteur du livre «Le Renseignement au service de la démocratie» (éditions Fauves),
«Ce que craignent les Américains, ce n’est pas tellement les agressions contre eux, ce sont les agressions contre leur leadership. C’est-à-dire qu’ils ont la première position, mais ne veulent à aucun prix que leur position soit challengée.»
Dénécé revient sur la période où naquirent les craintes sur l’hégémonie des États-Unis, lors des années 1990 et la présidence de Bill Clinton:
«Si le Japon est à l’origine de la prise de conscience de la perte de compétitivité de l’économie américaine à l’époque, qui leur donnait le sentiment que leur position de leader à la fin de la Guerre froide pouvait être mise en cause? La France a été ciblée pour une seconde raison... Il y a finalement que le seul pays européen qui est en pointe sur les technologies de souveraineté –et c’est l’héritage de la politique industrielle de De Gaulle– c’est la France.»
Dénécé explique que c’est parfois la stratégie américaine elle-même, notamment dans le domaine du contre-terrorisme, qui se retourne contre eux:
«D’une certaine façon, cette manière qu’ils ont de vouloir tuer une mouche avec un marteau génère des ennemis: à chaque fois qu’ils éliminent dix terroristes, ils en créent vingt de plus.»