Municipales à Paris: Anne Hidalgo toujours en tête, Rachida Dati en embuscade

La candidate LR remonte face aux socialistes, écologistes et macronistes. Cela pourra-t-il faire la différence dans une ville idéologiquement dominée par la gauche? Si les sondages la donnent perdante au second tour, Rachida Dati reste pour le conseiller de Paris et ex-sénateur Yves Pozzo di Borgo, la plus expérimentée pour un tel poste. Entretien.
Sputnik

Rachida Dati devance pour la première fois Anne Hidalgo dans un sondage sur les élections de Paris
Avec 24% des intentions de vote, Anne Hidalgo est toujours donnée en tête dans la course à la mairie de Paris, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria pour France info, publié jeudi 20 février. En deuxième position apparaît Rachida Dati (20%), talonnée par Agnès Buzyn (19%). Une enquête d’opinion qui prend le contrepied de deux autres, publiées la veille. Celle de Harris interactive Epoka, place les deux candidates au coude à coude, avec 23% d’intentions de vote. Celle d’Odoxa pour Le Figaro et CGI, place pour la première fois en tête la chef de file des Républicains dans la capitale, avec 25% d’intention de vote, devant sa concurrente socialiste (23%).

Pour autant, si la candidate LR a nettement progressé en un mois (+5 points), creusant l’écart avec le candidat de la République en Marche (LREM), Anne Hidalgo l’emporterait au second tour dans «la plupart des hypothèses testées», diagnostiquent nos confrères, évoquant une «prédominance» du camp que regrouperait alors autour d’elle l’actuelle maire de Paris: une alliance socialiste-écologiste à 42% contre Les Républicains à 33% et un camp macroniste à 25%.

«C’est la première fois à Paris qu’un maire a si peu d’intentions de vote. Ce n’est pas normal qu’un maire sortant n’ait que 23% ou 25% d’intentions de vote. Cela prouve qu’il y a un phénomène de rejet du maire», tempère au micro de Sputnik Yves Pozzo di Borgo, conseiller de Paris (Nouveau Centre).

il souligne que selon le sondage Odoxa pour Le Figaro, Rachida Dati obtiendrait 32% des voix au second tour, sans allié, contre 36% pour la maire sortante. Pour celui qui se présente comme «l’un des plus vieux élus du Conseil de Paris», la candidate de la droite serait la plus à même de répondre aux problématiques quotidiennes des Parisiens, qui ne sont à ses yeux pas «dans une logique de grands projets».

L'insécurité explose à Paris, mais Anne Hidalgo veut une police municipale sans armes à feu
Des Parisiens «fatigués», qui ont envie de voir quelqu’un de «concret» s’occuper des problèmes de propreté, de mobilité et de sécurité, estime-t-il, rappelant l’accroissement des violences et des cambriolages dans la capitale, afin qu’ils puissent «vivre dans une ville où ils soient heureux de vivre.» Des choses pratiques «qu’Hidalgo a un peu oubliées», estime l’élu parisien.

Yves Pozzo di Borgo se montre ainsi sévère sur le bilan écologique de l’édile parisien, une thématique qui lui est pourtant chère. Bien qu’il estime que la maire de Paris n’ait «pas tort» concernant sa lutte contre les particules fines émises par les voitures et tout particulièrement les moteurs Diesel, Yves Pozzo di Borgo souligne certains paradoxes de la politique anti-voitures déployée par la mairie de Paris, qui a poussé les gens vers le vélo et le métro. Un métro «saturé» en heures de pointe et que la maire «ne prend jamais», souligne l’élu parisien.

«Le métro est une bombe à particules fines! Les taux de particules fines dans le métro sont jusqu'à 30 fois supérieurs que les taux à l'air libre. C’est toute la contradiction d’Hidalgo», assène-t-il.

Une autre conséquence de la politique anti-voiture de Paris est l’accroissement du nombre de deux-roues dans la capitale «elle a favorisé l’arrivée des motos et les motos sont les véhicules à moteur les plus polluants!» se désole-t-il, rappelant que «la plus grosse pollution vient, non pas des voitures, mais des vieux bâtiments qu’il faut rénover.» Et sans surprise, le conseiller de Paris pointe du doigt les embouteillages et leurs conséquences:

«Toute la zone de la Concorde au boulevard Saint-Germain est saturée de voitures, avec une pollution terrible!», faisant part des témoignages qu’il recueille auprès des pharmaciens du VIIe arrondissement, qu’il habite «tous me disent que les taux de bronchite et de bronchiolite explosent! J’avais demandé plusieurs fois à Hidalgo qu’elle mette des capteurs dans cette zone, elle a toujours refusé.»

à ses yeux, «pratiquement rien» n’a été fait par les socialistes à la Mairie de Paris depuis le vote, en 2007, du plan Climat présenté par Bertrand Delanoë. Alors dans l’opposition, le groupe centriste dont Yves Pozzo di Borgo était président, avait voté en faveur de ce plan.

Autre «hypocrisie» à ses yeux, la posture électoraliste de la maire sortante à l’égard des handicapés. Anne Hidalgo a présenté le 17 février ses mesures afin de faire de la capitale la ville de «l'accessibilité universelle». Revenant sur son expérience au Palais du Luxembourg, où il fut sénateur de Paris, Yves Pozzo di Borgo rappelle le vote de la loi Chirac, visant à favoriser l’accès des handicapés, notamment aux bâtiments et aux transports. À l’époque, beaucoup attendaient que Paris montre l’exemple, il n’en fut rien, bien au contraire.

«Parce que les grandes villes, notamment la ville de Paris, qui aurait dû être la ville-modèle, n’ont rien fait, on a été obligés de revoter une loi à l’Assemblée et au Sénat pour reporter les délais d’application de la mise en conformité pour les handicapés. Et là, je vois qu’Hidalgo fait un grand pas pour les handicapés… c’est plus possible, cette hypocrisie!» s’étrangle-t-il.

Enfin, Yves Pozzo di Borgo critique le choix qui fut fait de préempter des immeubles pour le développement du logement social, «alors qu’on devrait plutôt construire des logements sociaux». Un choix qui explique selon lui la moitié des 6 milliards d’euros de dette de Paris, bien qu’il relativise ce montant au regard des 9 milliards de budget de la ville. Enfin, le conseiller de Paris déplore le manque de concertation avec les maires d’arrondissement et ceux des communes limitrophes.

L’affaire Griveaux, révélatrice d’hypocrites
Comment alors expliquer un maintien en tête des sondages d’Anne Hidalgo à trois semaines du premier tour des élections? Yves Pozzo di Borgo concède une «adhésion politique» dont jouit la maire sortante, rappelant le soutien d’un «réseau gauche qui reste fort» à Paris. «On peut lui accorder que sur l’affaire des vélos, elle a fait un effort, même si cela n’a pas correspondu à ce qu’elle voulait faire exactement», ajoute-t-il, soulignant également la spécificité du vote dans la capitale et son système de grands électeurs (163 conseillers de Paris).

Ainsi, avant de voter pour l’un des candidats en lice au siège de maire de Paris, les Parisiens votent d’abord pour leur maire d’arrondissement. Des élus qui, quelle que soit leur appartenance politique, sont reconnus par leurs électeurs.

«Ces maires-là tiennent des voix! Les gens votent plus pour le maire que pour Hidalgo. C’est l’accumulation de ces maires qui sont pour elle, qui ont un électorat particulier et que l’on retrouve dans ces 23%. C’est l’accumulation de ces élus locaux, qui font bien leur travail.»

Quant à la candidate arrivant en troisième position, Agnès Buzyn, parachutée du gouvernement pour venir défendre les intérêts de la majorité présidentielle à Paris après l’abandon de Benjamin Griveaux, Yves Pozzo di Borgo tient à rappeler l’importance de l’expérience qu’il faut avoir pour piloter une ville comme Paris.

«Vous avez Agnes Buzyn qui est bien sympathique, mais elle ne connaît rien. Elle va arriver avec des gens qui ne connaissent rien. Cela va être la même chose que Macron qui arrive au pouvoir avec des gens qui ne connaissent rien. Donc, dans quel état va être la ville de Paris si jamais Buzyn la prend avec une équipe qui ne connaît pas grand-chose?»

«La ville de Paris, cela s’apprend, ce n’est pas du jour au lendemain que l’on peut devenir maire de Paris et celle qui a le plus d’expérience pour moi, c’est Rachida Dati,» estime Yves Pozzo di Borgo. Il regrette par ailleurs le soutien de ministres à la candidate LREM, comme celui de Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, qui a rendu visite à Agnès Buzyn afin de parler sécurité.

«Attendez, il est ministre de l’Intérieur! Il est ministre des Élections! Il n’a pas à s’impliquer pour une candidate ou un candidat, surtout au regard de son bilan dans la sécurité à Paris…», s’indigne Yves Pozzo di Borgo.

Du côté de la maire sortante, certaines affaires semblent la rattraper, après le maquillage des comptes de la ville révélé par Capital, c’est le Canard enchaîné qui revient sur un «cadeau à 15 millions» qui aurait été accordé à Smovengo, l’entreprise en charge de la gestion des Vélib.

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