Vassili Porik est le seul officier soviétique à avoir reçu le titre de Héros de l'Union soviétique pour avoir participé aux activités militaires en France pendant la Seconde Guerre mondiale, raconte à Sputnik Sergueï Dybov, directeur de l'association Mémoire russe.
Le bataillon de résistance soviétique sous le commandement du lieutenant de l'Armée rouge Vassili Porik, qui s'était enfui d'un camp allemand, a agi pendant la guerre dans la banlieue de la ville de Lens. Cette unité a mené 300 opérations réussies et a fait dérailler 10 trains. Le 25 avril 1944, le jeune lieutenant a été capturé et fusillé.
«Porik est le seul officier soviétique à avoir reçu le titre de Héros de l'Union soviétique pour des activités militaires sur le territoire français. Il est également l'un des rares héros de la Résistance à avoir reçu des récompenses à l'époque soviétique. Par miracle, il est parvenu à surmonter le voile de méfiance qui entourait les prisonniers de guerre. Cela signifie que sa biographie, sa vie et ses exploits étaient irréprochables. Aujourd'hui, il aurait eu 100 ans», partage Sergueï Dybov.
Le directeur scientifique de la Société militaire historique russe, Mikhaïl Miagkov, pense que le destin de Vassili Porik est devenu le symbole du courage et de l'invincibilité des officiers soviétiques.
Survivre et se battre
Ilia Vassiliev, directeur de la fondation dédiée à la mémoire d'Alexandre Petcherski, affirme aussi que Vassili Porik etait un symbole marquant de la Résistance.
«C'est un exemple important pour l'histoire, notamment aujourd'hui qu'il ne reste pratiquement plus de témoins en vie. Son exemple montre clairement comment les prisonniers de guerre détenus dans des conditions insupportables se battaient contre le système nazi brutal et, qui plus est, gagnaient», remarque-t-il.
«Porik a prouvé qu'il fallait continuer à se battre dans les situations les plus inextricables, et que c'est seulement de cette manière qu'il était possible de gagner cette guerre. Il personnifie les centaines de cas où des prisonniers de guerre soviétiques sont parvenus à fuir les camps de concentration en France, en Italie et en Tchécoslovaquie, et à rejoindre les rangs de la Résistance pour continuer le combat», poursuit Ilia Vassiliev.
Sergueï Dybov raconte qu'en 1941 Vassili Porik est sorti de l'école d'infanterie de Kharkov et a participé à la Seconde Guerre mondiale dès les premiers jours. Mais en juillet, il a été encerclé près d'Ouman et, bien qu'il se soit défendu jusqu'à sa dernière cartouche, a été blessé et emprisonné.
«En 1942, Porik a été envoyé vers le camp de Beaumont-en-Artois dans le Pas-de-Calais (aujourd'hui Hénin-Beaumont). Il a réussi à entrer en contact avec la Résistance française et à créer, avec l'aide des communistes français, un comité de prisonniers de guerre en France via lequel ils ont commencé à travailler avec les prisonniers de guerre dans d'autres camps», explique l'expert.
Avant le débarquement de Normandie, les Allemands avaient décidé de transférer les prisonniers vers le camp de concentration de Bergen-Belsen dans la province de Hanovre. «A ce moment propice, le comité, avec la participation des Français et de la population locale, a organisé une grande évasion. Près de 1.500 personnes ont été sauvées et ont été cachées par les Français, qui les habillaient et les nourrissaient», raconte le directeur de Mémoire russe.
Le «Bataillon Staline»
Les fugitifs ont formé un bataillon soviétique spécial au nom de Staline.
«Ce bataillon était commandé par Porik. L'unité comprenait près de 300 combattants - du moins nous avons réussi à retracer le sort de ces individus. Le bataillon était réparti en groupes d'attaque qui agissaient dans différentes régions pour ne pas tomber sous une rafle. Ils combattaient avec beaucoup de succès. Selon nos informations, ils ont fait dérailler près de 10 trains et ont tué plus de 300 soldats allemands», note le directeur de l'association.
Sergueï Dybov ajoute que son association cherche à reconstituer la chronique des activités militaires du bataillon, mais que les informations dans les documents soviétiques et français divergeaient fortement.
«Dans un combat, Porik et son camarade Vassili Kolesnik sont tombés dans une embuscade. Kolesnik a mis fin à ses jours et Porik a été sérieusement blessé aux jambes et ne pouvait pas bouger, il a été capturé et envoyé à la prison de Saint-Niçaise à Arras. Malgré son état, il a réussi à s'enfuir. Il a été soigné par des médecins français, au péril de leur vie. Il a réussi à s'en remettre rapidement et a repris le commandement de son unité», déclare Sergueï Dybov.
Cependant, le 22 juillet 1944, son groupe est tombé dans une embuscade près d'Arras, Vassili Porik a été capturé et fusillé le jour même.
L'historien ajoute que Vassili Porik a été enterré au cimetière d'Hénin-Beaumont. Il a reçu le titre de Héros de l'Union soviétique par décret du Conseil suprême de l'URSS du 21 juillet 1964.
«Hormis Porik, le comité de prisonniers de guerre en France était dirigé par dix autres personnes. On sait que la plupart ont survécu et sont rentrés en Union soviétique, mais ensuite on perd leur trace. Récemment nous avons trouvé la tombe du chef de compagnie de ce bataillon, Alexandre Tkatchenko, dont les mérites sont comparables aux exploits de Porik. Il a été tué, il est tombé dans une embuscade avec son transmetteur français. Depuis, il a été oublié et enterré en tant que soldat soviétique inconnu. Notre association s'apprête à installer une plaque commémorative en son hommage», précise Sergueï Dybov.
Selon les historiens, plus de quatre millions de militaires soviétiques ont été emprisonnés dans des camps nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, dont plus de 60% sont morts. Malgré les horreurs des camps, beaucoup d'entre eux ont poursuivi la bataille contre le fascisme: ils organisaient des comités clandestins, des révoltes, et diffusaient les informations sur les succès de l'Armée rouge.