Une opération musclée contre Deliveroo est annoncée par Collectif des Livreurs Autonomes de Paris (CLAP) pour «frapper au porte-monnaie» la fameuse plateforme, le jour où explose son chiffre d’affaires. Ils appellent au boycott de Deliveroo: «le petit dîner glamour à la maison est livré par un travailleur surexploité. Moi j’dis, c’est un “tue-l’amour”», s’exclame dans son tweet Jérôme Pimot, cofondateur du CLAP. De plus, les livreurs souhaitent bloquer le site de l’entreprise à Saint-Ouen. Il risque donc d’être compliqué de se faire livrer son dîner en amoureux.
«Le client peut mettre la pression sur les plateformes: sur les réseaux sociaux, via les commentaires. C’est une pression qui s’exerce à l’encontre de l’entreprise en termes d’image. Elle est efficace, vu les sommes monstrueuses qu’ils dépensent pour le marketing», souligne au micro de Sputnik Kevin Mention, avocat au Barreau de Paris, qui vient d’obtenir une condamnation de Deliveroo aux Prud’hommes.
Les coursiers s’organisent face à une nouvelle forme d’emploi, pour «réinventer le syndicalisme». Mis à part leurs opérations musclées, ils travaillent sur des propositions législatives: Barbara Gomes, docteur en Droit, élabore un projet de Loi sur les «Travailleurs Autonomes».
«Le travail avec le collectif CLAP permet de présenter les dossiers individuels en même temps, précise à Sputnik Kevin Mention. On saisit les Prud’hommes avec des requêtes individuelles, mais on demande à être à la même audience. Cela permet d’avoir plus de poids, de démontrer que la situation est la même pour tout le monde et de multiplier les exemples d’abus.»
La difficulté dans le dossier comme celui des «coursiers contre Deliveroo» est qu’en droit civil, on ne peut pas présenter les enregistrements réalisés à l’insu de la personne. Face aux «guides internes» de la plateforme, qui mettent en avant la communication orale, les intéressés ont de plus en plus du mal à produire des preuves acceptables.
«Il est vrai que nous sommes sur un modèle critiquable: on ne sort pas de chez soi et on se fait livrer pour quelques centaines de mètres, admet Kevin Mention. Mais ces livraisons ont un intérêt pour ceux qui travaillent beaucoup, cela leur permet d’être plus productifs. C’est un mode de vie, mais cela ne doit pas impliquer des abus, on peut respecter le travail du livreur.»
De son côté, Jérôme Pimot cite les propos de l’écrivain François Bégaudeau, qui explique que l’on «ne peut pas se servir du client pour en faire un outil responsable».
«Le client consomme ce qu’on lui offre. Ce sont les entreprises qui offrent ce service à bas prix –à 2,5 euros– et disent ensuite que c’est la faute au client. Si l’entreprise est responsable et met en place un produit correct, éthique, social, tout le monde est content», conclut Jérôme Pimot.