Cette semaine, Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité Palestinienne (AP), était aux Nations unies pour accomplir une tâche titanesque: convaincre la communauté internationale de soutenir l’AP dans son refus catégorique du «plan de paix» proposé par Donald Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Un travail d’autant plus herculéen que, comme le mentionnent nos confrères du Monde, citant un diplomate occidental, les États-Unis ont menacé de «mesures de rétorsion», notamment financières, les pays qui se positionneraient contre les États-Unis dans ce dossier. Après un discours très attendu, qui ressemblait plus à un cri de désespoir, Mahmoud Abbas a jeté une bouteille à la mer en sommant la communauté internationale d’aider la Palestine dans un effort diplomatique.
Une solution qui «semble compromise. Abbas souhaitait convaincre les Saoudiens et les Égyptiens de rejeter l’initiative américaine. C’est raté, ils se félicitent au contraire de l’initiative. Quant aux Européens, ils sont divisés et leurs réactions sont timorées», explique à nos confrères de l’Obs David Khalfa, chercheur à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), spécialiste des questions sécuritaires et proche-orientales.
Totalement dépassées dans le rapport de force militaire et diplomatique, quelles perspectives restent-ils aux autorités palestiniennes pour espérer un jour avoir un État indépendant et souverain? Sputnik France a posé la question au spécialiste du Proche-Orient et ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, Alain Gresh.
Sputnik France: Cette intifada diplomatique, souhaitée par Mahmoud Abbas, est-elle un coup d’épée dans l’eau?
Alain Gresh: «Il fallait qu’ils ripostent d’une manière ou d’une autre. C’était d’une part une réponse au plan lui-même et d’autre part une réponse à la brutalité de la pression américaine exercée sur les soutiens palestiniens, arabes ou européens. L’AP a obtenu quelques succès avec des réactions très vives, de la Ligue arabe surtout, mais aussi de l’Union africaine, qui ont condamné le plan de manière assez ferme.
Maintenant, l’AP espérait obtenir à New York au moins un soutien à une résolution qui rappellerait au moins le soutien aux résolutions traditionnelles des Nations unies, dans lesquelles tout le monde puise depuis 1967, que ce soit la résolution 242 du Conseil de sécurité ou la résolution de 2.002 sur la reconnaissance des États, etc. Et là, ils ont échoué à revenir à ce type de résolution. C’est un bilan très mitigé, mais il ne faut pas négliger non plus les divisions entre les autorités Palestiniennes, comme celles entre le Fatah et le Hamas.»
Sputnik France: Un projet de résolution onusienne comme celui qu’a souhaité déposer Mahmoud Abbas pourrait-il améliorer le rapport de forces diplomatique des Palestiniens face aux Israéliens et aux Américains?
Alain Gresh : «Tout d’abord, précisons qu’il a renoncé à le présenter, sachant qu’il n’aurait pas une majorité de votes à cause la pression américaine mise sur les différents acteurs. Et, quand bien même, je ne pense pas que ça aurait changé grand-chose. Maintenant, ce qui va être important pour l’AP, c’est ce qu’il va se passer après les élections israéliennes le 3 mars. La question est de savoir ce qu’il va se passer entre les élections israéliennes et l’élection américaine de novembre, et si ce plan sera mis en œuvre d’ici là.
Pour l’essentiel, c’est un plan qui ne peut pas être mis en œuvre parce qu’il n’y a pas d’interlocuteur palestinien, et ils ne trouveront pas un Palestinien prêt à signer cet accord. Néanmoins, Benjamin Netanyahou a déjà annoncé qu’il voulait annexer une partie des colonies et la vallée du Jourdain, mais les États-Unis ont fait pression et lui ont dit “pas avant les élections”. Maintenant, il y a tout à fait le temps entre ces deux échéances électorales pour que les Israéliens et les Américains se mettent d’accord sur les limites exactes de ce que les Israéliens pourraient annexer.»
Sputnik France: Si cela se produisait, quelles conséquences pour les Palestiniens?
Alain Gresh : «Ça aurait un coût extrêmement grave pour eux. En effet, même si une autre Administration américaine venait au pouvoir et pouvait changer quelque chose, il est clair qu’elle ne pourrait pas revenir sur les territoires déjà sous occupation israélienne.»
Sputnik France: Quelles solutions reste-t-il à l’autorité palestinienne?
Alain Gresh : «Comme je l’ai dit, les divisions palestiniennes rendent difficile une stratégie de lutte claire, transversale et compacte contre ce coup de force. Je pense que la violence est une possibilité, mais je ne pense pas qu’elle sera adoptée par les organismes représentatifs des Palestiniens, ni par le Hamas, ni par le Fatah. Par contre, au niveau individuel ou des petits groupes, c’est possible. L’État islamique* a publié pour la première fois un communiqué qu’ils ont même traduit en hébreu, expliquant qu’Israël était leur objectif principal. Et ce, alors que jusqu’à présent le groupe était très silencieux sur cette question de l’occupation palestinienne.
Après, il est très possible que des jeunes dans une situation d’impasse et de désespoir, Palestiniens ou même du reste du monde arabe, pensent que la solution, c’est la violence et s’engagent dans cette voie. Cela alimenterait le cycle de violence dans ce conflit vieux de près d’un siècle.»
*Organisation terroriste interdite en Russie