«Il y a un certain nombre d'endroits dans notre pays où il y a du repli communautaire, une volonté de se séparer de ce que sont les valeurs et les lois de la République», a admis Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement sur LCI, dimanche 9 février. «Dans ces endroits où il y a une volonté manifeste de certains -qui notamment usent de l'islamisme politique pour définir une forme d'alternative à la République-, on doit être capables d'y répondre». Qu’attendre de ce plan gouvernemental? Sputnik a posé la question à Céline Pina, ancienne élue locale et conseillère régionale (PS), engagée en faveur de la laïcité. Elle a fondé le mouvement Viv(r)e la République et publié l’essai Silence coupable (Kero, 2016).
Sputnik France: Il y a un an, en mars 2019, vous aviez signé dans Le Figaro la «tribune des 100 intellectuels contre le séparatisme islamiste». Or, l’Etat semble désormais avoir acté ce séparatisme: jusqu’ici, il s’agissait de propos tenus par un Président ou par un ministre de l’Intérieur sur le départ. Est-ce un tournant -et pour vous une forme de victoire- de voir le gouvernement admettre ce phénomène?
Céline Pina: «On va dire que c’est un progrès pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il acte le fait séparatiste et, malheureusement pour ceux qui le vivent au quotidien ou dans les établissements scolaires, c’est important.
La deuxième chose, c’est qu’il prononce le mot «islamiste». On s’arrêtait souvent au communautarisme pour éviter d’évoquer l’offensive islamiste à l’intérieur de l’Europe. Or, toutes les formes de communautarisme ne présentent pas le même danger, surtout en termes de rejet de la France et du modèle occidental, de son histoire, de ses principes. Toutes ne développent pas un discours violent et ne suscitent pas des passages à l’acte haineux ou meurtrier. Toutes ne veulent pas imposer un autre modèle de société sur notre propre sol. L’existence d’un communautarisme asiatique est très visible dans le XIIIe arrondissement à Paris par exemple, mais il ne s’en est jamais pris à notre contrat social. »
«Malheureusement, la parole du gouvernement et celle du Président n’ont plus de valeur...»
Sputnik France: Quel crédit apporter à cette prise de position du gouvernement?
Céline Pina:« Malheureusement, la parole du gouvernement et celle du Président n’ont plus de valeur, d’abord parce que le Président de la République a trop usé du «en même temps»–il peut dire blanc le matin, noir le soir, et gris le lendemain. Ensuite, parce que la parole engendre rarement l’action dans ce gouvernement. On communique comme si cela remplaçait l’action. Or, les Français ne font plus confiance sur parole, ils paient pour voir.»
«Quand on voit l’affaire Mila et le résultat des sondages concernant la défense de la liberté d’expression, on observe que les gens ont été infusés par l’idéologie islamiste.»
Sputnik France : Juste avant les élections municipales, un plan contre le «séparatisme dans la République» est annoncé. Quel est jusqu’ici et selon vous le bilan de la présidence Macron en la matière?
Céline Pina: «Je pense qu’on n’a pas de bilan politique en la matière. On a un bilan institutionnel: certaines institutions font bien leur travail, par exemple la police face au djihadisme. Mais quant à lutter contre l’islamisme comme idéologie, à essayer de défaire toutes les casemates plantées dans le pays, à l’intérieur des mosquées ou des centres cultuels et culturels, à réarmer les institutions pour faire face au noyautage, à conforter ceux qui sont en première ligne face à l’offensive: instituteurs, policiers, personnel hospitalier, le bilan est extrêmement maigre.
Aujourd’hui, quand on voit l’affaire Mila et le résultat des sondages concernant la défense de la liberté d’expression, on observe que les gens ont été infusés par l’idéologie islamiste, au point de ne plus comprendre ce qu’est la liberté de conscience. On n’est plus capables de défendre une enfant de 16 ans menacée de mort au nom du soi-disant respect d’une religion. On en est à ne plus connaître nos fondamentaux, à renier nos idéaux, et ça se traduit par l’abandon d’une enfant.»
Sputnik France: Après avoir déclaré que «l’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave», Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, est revenue sur ses propos. Cela ne vous a pas suffi?
Céline Pina: «Belloubet a essayé de rattraper sa faute. Mais si un politique veut vraiment rattraper une erreur, il va au 20h. Une tribune dans Le Monde ne cible pas l’ensemble de la population. Le but du jeu était de rendormir les CSP+, socle de l’électorat de Macron, un peu chagrinés de voir le gouvernement se soumettre à la force et à la menace, en défendant en creux l’interdiction du blasphème. Mais il ne fallait surtout pas remettre en cause les gages donnés aux islamistes pour se rallier le vote musulman.
Cette tribune est une imposture. Dans les faits, elle ne change rien: aujourd’hui, critiquer l’islam vous met en danger et le gouvernement ne protégera pas ses citoyens sur cette question, Mila le prouve. Certes, Marlène Schiappa a pris sa défense, mais la ministre de la Justice, c’est un autre poids que la ministre du Droit des femmes. Surtout, on ne peut gouverner si au sein de la même entité, des opinions incompatibles cohabitent sans que rien ne soit tranché: c’est illisible et cela donne l’impression aux citoyens d’être pris pour des bulots.
Le fait que la ministre de la Justice fasse une boulette énorme, que derrière le Premier ministre ne dise rien, ou que le Président de la République ne se soit pas adressé à nous comme père de la nation, alors que symboliquement, c’est la protection d’une enfant de son peuple qui se jouait, c’est très choquant.»
«Aujourd’hui, critiquer l’islam vous met en danger et le gouvernement ne protégera pas ses citoyens.»
Sputnik France: Vous disiez que pour s’attaquer véritablement à l’islamisme, il fallait nommer vraiment les choses. Vous semblez déçue par le manque de détermination gouvernementale, est-ce bien cela?
Céline Pina: «Il y a une manière très simple de montrer la détermination contre l’islamisme, c’est qu’un ministre de la Justice, ou de l’éducation, aille dans le lycée de Mila et leur dise «vous croyez être dans le camp du respect de l’autre, dans le camp des tolérants, mais ce n’est pas vrai, vous avez choisi le camp des salauds!» Pour s’attaquer à l’islamisme, il faut faire preuve de courage et de clarté. Ce sont des actes symboliques comme ça qu’il faudra poser. »
Sputnik France: Et on n’en prend pas le chemin, selon vous…
Céline Pina: «Si j’ai autant de doutes, c’est parce que le gouvernement dit vouloir agir contre le séparatisme alors qu’il travaille, avec la Fondation pour l’Islam de France, à mettre en place un outil qui va l’accentuer, le rendre incontournable et même le mettre en scène: la taxe halal. Cet outil qui aidera à distinguer les purs et les impurs, est vu par le gouvernement comme le moyen de financer un islam de France. Mais comme il ne peut mettre en place une telle taxe lui-même, il fait porter le projet par l’Association musulmane pour l'islam de France (AMIF), qui se rêve en certificateur des certificateurs.»
«Derrière le halal, il y a chez les fondamentalistes le rêve d’un jihad économique.»
Sputnik France: Alors, quel est selon vous l’objectif de l’AMIF?
Céline Pina: «En fait, il s’agit là encore de répondre à une obsession des islamistes. Ils veulent que la communauté musulmane se distingue en tout, via des pratiques alimentaires différentes, mais aussi des façons de s’habiller, de pratiquer les loisirs, d’emprunter, de consommer… à terme pour les islamistes, l’idée est de créer une société fermée et codée et de faire en sorte qu’elle n’accepte que des produits halal. Dans ce type de représentation, tout ce qui qui n’est pas halal est donc impur, la société française et son mode de vie en premier. Derrière le halal, il y a chez les fondamentalistes le rêve d’un jihad économique.»
Sputnik France: vous accusez le gouvernement de double langage. En effet, une taxe sur les produits halal a été proposée en 2018 par l’Institut Montaigne pour financer les mosquées et éviter les financements étrangers. Mais le gouvernement a répondu le 24 janvier dernier à une question au Sénat, affirmant qu’il n’avait pas l’intention de mettre en place une telle taxe.
Céline Pina: «En effet, mais en concluant: "rien ne s’oppose à ce que le prélèvement d’une telle contribution financière résulte d’une initiative privée, par les protagonistes du marché "halal" et soit reversé à une association dont l’objet serait de financer le culte musulman." Comment croire des gens qui disent vouloir combattre le séparatisme alors qu’ils sont en train de mettre en place l’outil idéal pour que le séparatisme devienne réalité?
Avoir confié à un organisme privé comme l’AMIF le soin de la mettre en place est dangereux et destructeur pour notre modèle social, l’AMIF étant largement aux mains des Frères musulmans, qui ont aussi la main sur les principaux réseaux de mosquée. Autrement dit, le gouvernement crée les conditions pour que le séparatisme soit financé sur notre sol via les islamistes et que ce processus enrichisse et renforce ceux qui ne se cachent pas de vouloir nous détruire en tant que civilisation.»
Sputnik France: Qu’attendez-vous du plan de l’Etat?
Céline Pina: «Une prise de conscience, mais surtout des mesures fortes : l’abandon de la taxe halal, l’interdiction des Frères musulmans et des salafistes sur notre sol, l’interdiction des financements étrangers pour la construction de mosquées, plus de contrôle des prêches, une fermeture immédiate des mosquées contrôlées par les salafistes ou les Frères musulmans, la fermeture des écoles confessionnelles, plus de latitude pour licencier ceux qui ne respectent pas nos lois : refus de serrer la main des femmes, port d’un insigne refusant aux femmes l’égalité, comme le voile…
Et surtout que le gouvernement arrête de vouloir créer un islam de France, car ce n’est pas son rôle. Le Président n’est pas théologien et n’a aucune légitimité pour faire cela ou pour susciter une telle émergence. Il faut aussi renforcer notre arsenal répressif: réfléchir à la déchéance de nationalité, au concept d’indignité nationale. à un moment donné, ce n’est pas tout de dire qu’il faut respecter la loi, il faut la faire respecter effectivement. Avec Mila, la loi s’est couchée devant la force et la foi, et ceux qui paradent à l’intérieur du lycée de Mila sont ceux qui l’ont menacée de mort ou qui soutiennent ses harceleurs.»
«Une violence archaïque régit de plus en plus les rapports sociaux.»
Sputnik France: Le piège que tendent les terroristes islamistes à la France, c’est que toute critique devient islamophobie et nourrit potentiellement la victimisation et donc la radicalisation des jeunes musulmans. Que faire?
Céline Pina: «Oui, c’est malheureusement très juste. Mais en fait, je suis très pragmatique. La première solution serait de ne rien faire et d’espérer que les choses s’arrangeront d’elles-mêmes. Cela a été le premier choix de nos politiques. Au terme de plus de 260 morts sur notre sol, de l’explosion des violences antisémites et de la multiplication des actes anti-chrétiens, tandis que la religion la moins touchée par les agressions en France est l’islam, on pourrait quand même reconnaître que la politique de l’autruche et une erreur: elle ne résout rien et elle nous affaiblit collectivement. C’est en réalité la dernière chose à faire, puisque le séparatisme n’attend que ça. Par crainte d’être taxé de racisme, nous n’avons rien fait. Résultat: une violence archaïque régit de plus en plus les rapports sociaux. »
Sputnik France: vous plaidez donc pour la fermeté?
Céline Pina: «La deuxième solution, c’est de transmettre nos idéaux et principes et d’être fiers de ce que l’on est. Beaucoup de gens sont venus dans notre pays par désir de liberté, d’égalité, de laïcité, de démocratie. Eh bien, nous devrions être fiers de ce que nous incarnons et arrêter de baisser les yeux devant des personnes qui proposent un modèle de société tellement mauvais qu’il ne nourrit même pas ses enfants et que ceux-ci ont dû migrer pour survivre.
Nous devrions regarder en face ce que sont les sociétés islamiques: pas de démocratie ou seulement de façade, inégalités liées au sexe, à la couleur de peau, à la confession, inégalités sociales, misère économique et sexuelle, carcan religieux, corruption, violence… Ces sociétés ne sont pas désirables, n’apportent pas la prospérité et sont étouffantes, c’est vraiment cela le modèle de société devant lequel nos dirigeants se couchent ? Il est temps que nous nous tenions debout. Je pense que nous n’avons pas le choix. "On risque de finir face à face", avait dit Gérard Collomb. Il évoquait là la guerre civile. Dans un vieux pays comme le nôtre, se voir ramener à la barbarie est assez difficile à vivre.
À force d’avoir peur d’agir, on laisse les islamistes mettre sous le boisseau une population d’origine arabo-musulmane, qui mérite tout autant qu’une autre l’émancipation, qui est parfois même venue la chercher. Les abandonner au séparatisme islamiste, je ne vois pas ça comme de la tolérance, mais comme du racisme ou de la condescendance. Je trouve dommage de laisser nos compatriotes arabo-musulmans aux mains de fascistes et de présenter cela comme le respect de leur culture. Parce que les islamistes, ce sont eux les fascistes les plus authentiques aujourd’hui.»