«Demain, tous précaires de la start-up nation?» s’interrogeait Sputnik en août dernier à l’occasion l’émission de Jacques Sapir Russeurope Express. «Pas si vite», semble répondre la justice française, qui vient de condamner la plateforme de livraison de repas Deliveroo pour travail dissimulé.
C’est une petite victoire pour nombre d’associations qui dénonçaient le fait que les plateformes «font du salariat déguisé, illégal». D’autant plus que la décision du conseil des prud’hommes de Paris touche le leader du marché, au moins en termes d’image.
«C’est le résultat de plus de trois ans de travail, précise à Sputnik Jérôme Pimot, co-fondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP). Jusqu’à présent, on avait des décisions de justice qui requalifiaient les livreurs de plateformes qui avaient cessé d’exister.»
Médiatiquement, la décision de justice change la donne, estime Jérôme Pimot. Il se félicite que «l’opinion publique ait suivi» et assure que «ça motive les gens pour entamer d’autres procès», en obligeant des plateformes de livraison à «protéger davantage ses travailleurs».
«Cet argent n’est pas “volé” par le livreur, souligne Jérôme Pimot. En plus de l’argent, il a récupéré les cotisations patronales et sociales, les points de retraite, les droits au chômage. Les sommes parlent d’elles-mêmes à des gens qui ont compris qu’ils se font exploiter par les plateformes.»
«Le salariat a de beaux jours devant lui», estimait en août dernier le juriste Raphaël Dalmasso au micro de Russeurope Express sur Sputnik. Ce spécialiste du droit du travail ne croit pas au scénario alarmiste d’un marché du travail qui deviendrait massivement uberisé, avec une généralisation du statut d’autoentrepreneur. Les travailleurs salariés continuent d’ailleurs de représenter quelque 90% des actifs occupés.
«Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le salariat reste intéressant pour l’employeur, assure Raphaël Dalmasso, justement parce qu’il inclut une subordination du salarié, alors qu’elle doit théoriquement être absente pour un travailleur indépendant.»
Reste donc à ne pas laisser les employeurs abuser du statut d’indépendant avec une subordination cachée, ainsi que vient de le reconnaître la justice…