«Pour la CGT, c’est non à cette réforme pleine et entière, il n’y a pas à discuter, négocier, corps par corps, métier par métier, parce qu’on sait qu’elle va pénaliser l’ensemble des salariés.»
Depuis le 23 janvier et suite à l’appel de la CGT, les trois incinérateurs d’Ile-de-France sont à l’arrêt pour protester contre la réforme des retraites. Ce sont en moyenne 6.000 tonnes de déchets qui sont traitées chaque jour à Paris et sa couronne, mais avec seulement six des sept fours en marche, les effets du mouvement se font déjà sentir… au sens propre comme au sens figuré. De fait, les poubelles s’accumulent dans les rues de la capitale, une situation qui va durer jusqu’au vendredi 7 février, comme le précise à Sputnik Régis Vieceli, secrétaire général du syndicat CGT FTDNEEA (filière traitement déchets nettoiement eau égouts assainissement), qui représente les éboueurs, les égoutiers, les conducteurs, les adjoints techniques et l’ensemble de l’encadrement de ce personnel.
«Ils ont voté la grève jusqu’à vendredi prochain 22h, ensuite il y aura une nouvelle assemblée générale. Le préfet a réquisitionné du personnel ce week-end pour essayer de débloquer la situation. Didier Lallement, en lien avec Mme Hidalgo, la maire de Paris, fait du forcing pour empêcher les personnels des incinérateurs de faire grève en demandant la réquisition pour rallumer les fours.»
Dans les rues de Paris, la situation se dégrade et inquiète, notamment au niveau sanitaire. Pour essayer de rétablir un tant soit peu de propreté, c’est à la demande du Sytcom, l’organisme qui gère les déchets des Franciliens, que le préfet a donc réquisitionné du personnel pour tenter de rétablir «un retour à un fonctionnement minimal.» Une réquisition à laquelle ne s’oppose pas la CGT, comme le souligne Régis Vieceli:
«C’est compliqué, puis les salariés risqueraient gros s’ils s’y opposaient. Nous, on bloque les six garages de la ville de Paris, on explique la situation, on argumente, même s’il est incompréhensible qu’encore aujourd’hui, certains ne rentrent pas dans la danse.»
Les conséquences de la grève des éboueurs ou «ripeurs» sont de plus en plus visibles. Pourtant en grève depuis plusieurs semaines déjà, ils dénoncent également leurs conditions de travail, qualifiées de précaires et sous-payées. Leurs journées débutent au petit matin pour se finir tard le soir, avec de longues heures d’attente entre chaque service, qui comportent différents risques, aussi bien physiques, psychiques et même biologiques et chimiques. Selon l’INSERM, les éboueurs perdent 17 ans d’espérance de vie et leur salaire mensuel net varie entre 1.339€ et 2.064€, d’après des statistiques de l’Insee publié en 2013.
«Ce régime universel par points ne prend pas en compte la pénibilité, puisqu’on va pouvoir prétendre à la retraite comme n’importe quel autre salarié, sauf qu’aujourd’hui, pour les égoutiers comme les éboueurs, c’est 17 ans de vie en moins que n’importe quel autre ouvrier en France. Donc c’est clair, net et précis qu’on va mourir au travail», s’insurge Régis Vieceli.
À un mois des élections municipales, Anne Hidalgo, maire et candidate à sa succession, est pointée du doigt par M. Vieceli. Dans le préavis de grève déposé il y a quelques semaines, le syndicat stipule trois revendications. La principale est le retrait de la réforme des retraites, bien que Mme Hidalgo ne puisse pas grand-chose à ce propos, «elle pourrait au moins dire si elle est pour ou contre, vu qu’elle ne s’est jamais prononcée.», estime le secrétaire général. Le syndicat demande aussi le retrait de la loi de la transformation de la fonction publique, qui tend à la destruction du service public, selon lui. Et enfin, la CGT réclame la réintégration de deux conducteurs, licencié par la mairie après leur participation à une action syndicale: une demande que Régis Vieceli estime facile à satisfaire. Pourtant, le responsable syndical CGT affirme qu’aucune action de la part de la maire ou de la direction n’a été faite pour répondre à ces revendications et qu’en conséquence, l’action va continuer.
«Elle pourrait parler au nom de la Ville de Paris sur la pénibilité de nos métiers et ça, elle ne le fait pas. Donc ça veut dire que la situation parisienne elle pourrit, elle se dégrade. On a mis du temps, mais elle se dégrade et nous, on n’a pas fini, on va monter d’autres actions, y compris informer la population par voie de tracts et les autres moyens que l’on a, mais il faut absolument que la maire de Paris nous reçoive.»
Depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites, la CGT est fortement critiquée par certains, accusée de bloquer l’économie du pays par ses appels à la grève. Régis Vieceli s’en défend.
«Non, ce n’est pas la faute de la CGT, c’est bien la faute de Macron. Et il faut qu’à un moment donné, il écoute les organisations syndicales responsables telles que la CGT. Et ce n’est pas seulement un non à cette réforme, on a des solutions, on a des revendications. Il y a des choses que l’on peut mettre sur la table aujourd’hui et revenir en arrière plutôt que d’allonger le temps de travail des salariés, le réduire et revenir au moins à 60 ans pour toutes et tous.»