Prétendant que la Russie cherche à refaire l’Histoire, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a écrit dans un article paru dans Politico que sauver des juifs n’avait jamais été la priorité des Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale et a accusé l’URSS de s’attribuer la libération du Vieux Continent de la peste brune. Qui plus est, selon lui, l’Armée rouge aurait pu libérer Auschwitz bien avant, ce qu’elle n’a pas fait.
Comme l’écrivait dans son livre Notes du commandant du Front, le maréchal Ivan Koniev, responsable de la libération de la Silésie, l’Armée rouge se fixait pour objectif non seulement de libérer la Pologne, mais de préserver pour cette dernière cette zone industrielle. Ainsi, a été rejetée l’idée de mettre en place un étau.
«Nous avions devant nous trois tâches qui se sont finalement réunies en une seule: démanteler le groupe ennemi silésien sans grands sacrifices de notre part, le faire le plus tôt possible et, si possible, préserver l’industrie silésienne intacte», écrivait le maréchal.
Comme il le dit, l’idée mûrissait dans son esprit qu’il était obligatoire de prendre la zone en question sans l’anéantir, soit «faire sortir les hitlériens de ce piège, puis en venir à bout sur le champ de bataille».
Conscience de la catastrophe
Les documents de l’époque reflètent en outre comment les Soviétiques ont progressivement réalisé l’envergure de la catastrophe humanitaire à Auschwitz. Si les premiers rapports ne font état que des détails militaires, suivent très vite ceux sur l’état des personnes détenues et la libération des enfants.
«La zone des camps de concentration d’Auschwitz est libérée. Un camp de la mort affreux. […] Des foules infinies libérées par l’Armée rouge sortent de ce camp de la mort. Parmi eux des Hongrois, des Italiens, des Français, des Tchécoslovaques, des Grecs, des Yougoslaves, des Roumains, des Danois, des Belges. Tous ont l’air extrêmement épuisés, des vieillards aux cheveaux blancs et des jeunes hommes, des mères avec des nourrissons et des ados. Pratiquement tous sont à moitié déshabillés», rédigeait le 19 janvier 1945 dans son télégramme au futur Président du Conseil des ministres d'URSS Gueorgui Malenkov le général-lieutenant Konstantin Kraïnioukov, membre du conseil militaire du Ier Front ukrainien. Ce texte et bien d’autres portant sur la libération du camp ont été rendus publics il y a quelques années et des documents relatifs à la libération de ce camp ne cessent d’être déclassifiés.
De telles sources ont été mentionnées ce jeudi 23 janvier par le Président russe. Intervenant au 5e Forum international dédié à la mémoire de la Shoah, dont la tenue coïncide avec la célébration du 75e anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination nazi d’Auschwitz, il a mentionné qu’il avait pris en prévision de sa venue à Jérusalem connaissance des rapports rédigés par des officiers de l’Armée rouge après sa libération, pointant qu’il n’était point facile de lire les détails livrés par les témoins des faits.
«Au deuxième jour de la libération de cet affreux camp devenu aujourd’hui dans le monde entier symbole de la barbarie nazie, je me suis retrouvé pas très loin de son emplacement. Les premières données sur ce qu’il représentait m’étaient déjà communiquées. Mais sciemment je ne me suis pas permis de voir de mes propres yeux ce camp de la mort.»
Comme l’a expliqué Vladimir Poutine, le maréchal, vu la tâche de l’opération qui lui était confiée n’avait pas le droit ni de perdre sa force morale, ni de se permettre que le sentiment juste de vengeance l’éblouisse pendant la tenue des opérations et ne débouche sur des victimes parmi la population civile allemande.
Prix de la Victoire
Le Président a en outre rappelé le prix qu’avaient payé les citoyens soviétiques pour défendre leur Patrie et libérer l’Europe: 27 millions de victimes, militaires et civiles. Et de rappeler que 40% des juifs tués des mains des nazis étaient justement des citoyens soviétiques.
Il a également fait savoir que non seulement les juifs étaient dans le viseur de la machine de mort nazie, mais aussi d’autres peuples, dont les Slaves. L’extermination ou un sort d’esclaves sans passé ni culture, voilà ce qu’il leur était réservé.