Soirée de filage au Théâtre de l’Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris. L’ambiance était détendue, malgré la pression qui pèse sur la troupe pour cette ultime répétition avant la première d’«Oncle Vania».
En effet, la pièce d’Anton Tchékhov, créée par Stéphane Braunschweig et la troupe russe du Théâtre des Nations à Moscou en septembre dernier, doit inaugurer «Les Saisons russes» en France. Rien de moins.
Lors de ce festival, on pourra découvrir la culture russe dans plus de 60 villes françaises: ensembles symphoniques, expositions, théâtre, cinéma ou encore arts du cirque, patrimoine et art contemporain.
«Quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, le spectacle ne faisait pas partie des “Saisons russes”. Nous avons décidé de le présenter à l’Odéon, au théâtre que je dirige, parce que je trouve que c’est une bonne occasion de donner un Tchékhov en russe à Paris. Il y a un grand public qui aime voir les acteurs russes jouer Tchékhov», précise pour Sputnik Stéphane Braunschweig.
Le spectacle a été présenté en avant-première à Moscou en septembre 2019 dans le cadre du XIXe Open Art Cherry Forest Art Festival. Les principaux rôles sont interprétés par les artistes du Théâtre des Nations moscovite: Evgueni Mironov (Voïnitzki), Elizaveta Boïarskaïa (Elena Andrievna), Viktor Verjbitsky (Serebriakov), Anatoly Bely (Astrov).
Pour Stéphane Braunschweig, reconnu comme un metteur en scène qui entretient une relation particulière avec Tchekhov, avec les créations de «La Mouette», «Les Trois Sœurs» et «La Cerisaie», la clé de la mise en scène d’«Oncle Vania» est la question environnementale qui préoccupe aujourd’hui le monde entier.
«Quand j’étais plus jeune, cette pièce me semblait être très psychologique, centrée sur les histoires d’amour impossibles, sur le personnage de Vania avec ses idéaux –en la personne du vieux Serebriakov– qui s’effondrent, explique le metteur en scène. Brusquement, pour moi, elle prend une dimension beaucoup plus politique. Ça m’a beaucoup plu».
Mais en dehors du travail sur le personnage d’Astrov, ce jeune médecin qui s’avère être visionnaire, avec son inquiétude sur le problème de la déforestation incontrôlée, Stéphane Braunschweig s’adonne à un travail respectueux sur le texte de Tchékhov, «comme sur une partition».
«J’essaye de comprendre l’âme de Tchékhov, un homme qui a un regard très “clinique” sur les choses en tant que médecin, un regard très lucide, aigu. Il a aussi une forme d’humour, un peu dur», confie Stéphane Braunschweig.
Lorsqu’on prononce «Les Saisons russes», tout Français esthète ressent une sorte de piqûre de nostalgie. «Les Saisons russes» ou «Les Saisons de Diaghilev», c’est un phénomène unique dans la culture mondiale, né en 1907. Il nous permet de lever à loisir le rideau des années qui séparent notre vie quotidienne d’un monde parallèle, plein d’une rare beauté exotique, de mystère, de mouvement et de transformation.
Mais «Les Saisons de Diaghilev», qui ont fait connaître au public français Anna Pavlova et Vaclav Nijinski, se sont prolongées tout au long du XXe siècle avec une série de tournées théâtrales qui ont fait connaître les metteurs en scène Lev Dodine, Anatoli Vassiliev et Piotr Fomenko. Les Parisiens se rappellent certainement la Saison russe de 1994, avec plusieurs pièces russes, présentées au théâtre Bobigny 93 et au Théâtre de l’Odéon...
Après le Japon en 2017, l’Italie en 2018 et l’Allemagne en 2019, la France a repris le flambeau des «Saisons russes » en novembre dernier, à l’occasion du VIIIe Forum Culturel International de Saint-Pétersbourg.