Les trois pays membres de l’Union européenne cosignataires de l'accord nucléaire avec l’Iran - l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni - ont déclenché mardi le mécanisme de règlement des différends prévu dans le texte de ce document. La troïka européenne s’est décidée à une telle démarche par la faute d’autres participants, notamment des États-Unis et de l’Iran, a estimé dans un entretien accordé à Sputnik Adlan Margoev, de l'Institut d'études internationales affilié à l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO).
«Les Européens se sont retrouvés en quelque sorte dans une situation sans issue. D’une part, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire ne permet pas à l’Europe de poursuivre des relations économiques normales avec l’Iran, ne pouvant pas obliger son business à risquer de tomber sous le coup des sanctions américaines. De l’autre, l’Iran a totalement renoncé aux restrictions quantitatives dans son programme nucléaire, tout en restant techniquement dans l’accord», a expliqué l’interlocuteur de l’agence.
Et d’ajouter que tout cela avait tout simplement contraint les Européens à répondre.
«En effet, si les Européens ne peuvent faire rien de positif pour sauvegarder le Plan d'action global commun (JCPoA), lancer notamment à plein rendement un mécanisme de règlements financiers avec l’Iran, ils auraient jugé nécessaire de signaler que la situation pourrait devenir encore pire si l’autre partie [l’Iran, ndlr] ne cessait de réduire ses engagements dans le cadre de l’accord nucléaire», a détaillé M.Margoev.
La troïka européenne n’a jamais été fidèle à l’accord nucléaire?
Les cosignataires européens de l’accord nucléaire n’ont jamais fait rien de substantiel pour le bon fonctionnement du JCPoA, a rappelé un autre interlocuteur de Sputnik, Hassan Mohammadi, spécialiste iranien de l'énergie nucléaire et rédacteur en chef du site Iranians National Hope.
«En réalité, depuis toujours, les Européens s’alignent sur les États-Unis, notamment depuis la signature par le Président états-unien du décret sur le retrait du pays du JCPoA. Aussi, pour les Iraniens, la véritable position des Européens reste inchangée pendant tous ces mois», a-t-il argumenté son point de vue.
Et de rappeler que quand les États-Unis avaient réintroduit leurs sanctions contre l’Iran, pendant presqu’une année, les Européens n’avaient rien fait pour soutenir l’Iran ni dans la sphère bancaire ni dans le secteur pétrolier.
«Les Européens se sont abstenus de réagir aux nouvelles sanctions américaines, en se rangeant ainsi du côté de Trump. C’est pourquoi le fait qu’ils veulent lancer ce mécanisme ne changera rien pour l’Iran. Les Européens n’ont jamais été sincèrement attachés à leurs propres engagements dans le cadre du Plan d'action global commun», a relevé l’expert.
Il serait prématuré de parler d’un effondrement définitif du JCPoA
Malgré la décision de la troïka européenne sur le Plan d'action global commun, l’Iran n’admettrait pas l’effondrement de l’accord nucléaire à l’étape actuelle et tenterait d’emprunter des voies diplomatiques, a supposé Adlan Margoev.
«Téhéran espère sans doute toujours que les portes restent ouvertes pour un dialogue», a-t-il relevé.
Hassan Mohammadi partage ce point de vue, relevant que l’Iran n’a jamais aspiré à résilier cet accord, mais pourrait le faire à tout moment.
«L’Iran n’a jamais voulu se retirer de l’accord nucléaire qu’il a conclu. Ce sont les États-Unis qui ont été les premiers à avoir trahi cet accord international. Par des réductions progressives de ses engagements, l’Iran voulait seulement protéger ses propres intérêts dans cet accord et non pas le rompre. Mais si nos intérêts ne sont pas garantis, l’Iran se réserve le droit de se retirer à jamais du JCPoA», a conclu l’Iranien.