Attentats du 13 novembre: des écoutes déclassifiées révèlent ce qu’Abdeslam a raconté à ses codétenus

Les discussions de l’islamiste Salah Abdeslam avec ses codétenus étaient écoutées pendant son incarcération à Bruges par la sûreté de l’État belge. Celles-ci, dévoilées par Le Parisien, révèlent plusieurs détails concernant la fuite du terroriste vers la Belgique juste après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Sputnik

La sûreté de l’État belge a fourni au Parisien un document de neuf pages reprenant des discussions qu’a eues Salah Abdeslam avec ses codétenus. Jusqu’à présent, peu de détails étaient connus sur son parcours, tant celui-ci se montrait muet devant les juges et ses avocats, mais le terroriste s’est avéré plus bavard en prison. Son récit livre des détails sur sa fuite après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui ont coûté la vie à 130 personnes et ont fait 350 blessés.

En 2016, Abdeslam était détenu à la prison de Bruges, en Belgique, avec Mehdi Nemmouche, auteur de l’attentat du musée juif de Bruxelles qui a fait quatre morts en 2014, et Mohamed Bakkali, soupçonné d’avoir joué un rôle de logisticien dans les attentats du 13 novembre. Ses conversations ont pu être interceptées par le renseignement belge.

Le 14 avril, il raconte d’abord à Bakkali comment il a déposé trois kamikazes au Stade de France avant d’abandonner sa Clio et de se rendre vers les Hauts-de-Seine, toujours équipé de sa ceinture d’explosifs, qui avait été retrouvée à Montrouge.

«En fait, j’ai demandé un renseignement à un type. Il m’a regardé de la tête aux pieds. Il voyait qu’il y avait quelque chose de bizarre. On dirait que je faisais 90 kilogrammes, mon frère […]. Tu vois, c’était trop voyant. Je savais que je devais m’en débarrasser», s’est-il rappelé sur un ton léger.

Quatre ans après le 13 novembre, «les services ne se sont pas encore complètement adaptés à la menace djihadiste»

Il raconte sa cavale

Il a ensuite continué sa cavale vers Châtillon, où il raconte être passé au restaurant McDonald’s. «T’as acheté un petit truc?», lui demande Bakkali. «Au drive, tu vois, au drive? J'ai pris un Menu Fish», lui répond Abdeslam. «T'es un tueur hein!», commente son codétenu, amusé.

Abdeslam passe ensuite la nuit dans la cage d’escalier d’un immeuble, où il a rencontré un groupe de jeunes de «14-15 ans», «en train de fumer des joints». Ceux-ci le tiennent au courant des «actualités» grâce à leur téléphone, tandis que le terroriste leur parlait «des filles, de l'école, des métiers». Il est récupéré le lendemain matin pour rejoindre la Belgique.

Interviewé par la télévision belge lors de sa fuite

En voiture avec deux autres hommes, Abdeslam passe de multiples contrôles de police aux frontières. Il se rappelle même avoir donné une interview à une journaliste belge, qui lui demande «Vous trouvez normal qu'il y ait des barrages comme cela?». «Oui c'est normal, vues les circonstances, il faut bien renforcer les barrages!», a-t-il répondu.

Lors de ce matin du 14 novembre, le visage et le nom de Salah Abdeslam n’avaient pas encore été évoqués par les médias et n’étaient pas connus des services de police, ce qui a permis aux trois hommes de passer les barrages et de gagner Bruxelles. L’islamiste y est resté caché pendant près de quatre mois, jusqu’à son arrestation dans la commune de Molenbeek le 18 mars 2016.

Le 29 mars, évoquant le moment de son interpellation, il revient sur une lettre qui est tombée de sa poche, dans laquelle il avait déclaré son allégeance à Daech* et son intention de faire la guerre. Celle-ci n’a jamais été retrouvée par les enquêteurs.

Le document qui révèle ces écoutes sera ajouté au dossier constitué en vue du procès des attentats du 13 novembre, qui se déroulera en 2021.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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