Pris dans les griffes de la guerre depuis maintenant 17 ans, les Irakiens sont au centre de presque tous les conflits régionaux. Ce vendredi 10 janvier, des milliers d’Irakiens sont descendus dans les rues pour crier leur mécontentement. Contre l’ingérence iranienne, contre l’ingérence américaine, mais aussi contre la mauvaise gestion de leur gouvernement qu’ils considèrent comme profondément corrompu.
Depuis début octobre 2019, des manifestations monstres avaient eu lieu en Irak contre les politiques menées par un gouvernement que le peuple considère comme illégitime car représentatif d’un système imprégné de corruption. Ces protestations, qui avaient tout de même fait 460 morts –presque tous des manifestants– et plus de 25.000 blessés, ont récemment été éclipsées par les tensions entre Téhéran et Washington.
Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’avant l’escalade des dissensions entre les États-Unis et l’Iran, les ambassades de ces deux pays à Bagdad aient été prises d’assaut par des centaines de manifestants irakiens qui réclamaient la fin de l’ingérence de ces deux pays.
Les Irakiens, qui ont payé de leur vie leurs demandes de services publics et de transparence de la vie publique, sont aujourd’hui descendus dans les rues afin que le conflit indirect qui a lieu sur leur territoire n’enraye pas la dynamique créée par des mois de mobilisation. Comme nous l’expliquait il y a quelques semaines Myriam Benraad, chercheuse et spécialiste de l’Irak, au micro de Sputnik, les Irakiens commençaient tout juste à voir la lumière au bout du tunnel:
«Aujourd’hui [le 3 décembre], la pression de la rue, la force du nombre est telle qu’il y aura forcément un changement dans les politiques menées. Le danger est tout de même toujours présent qu’un homme issu de cette classe politique décrédibilisée essaye de maintenir le statu quo, mais au vu de la contestation, ce n’est que très peu probable.»
Au-delà du fait qu’ils risquent de se faire voler les acquis des manifestations de ces derniers mois, il y a aussi un danger d’escalade de conflits entre les Irakiens eux-mêmes, sur la base d’une préférence à un soutien américain ou iranien. C’est d’ailleurs ce que souligne Aaron Astor, historien et professeur associé à l’université de Maryville:
«L’Irak est le plus important théâtre de conflit entre les États-Unis et l’Iran. Les Irakiens sont divisés en interne sur la question de la présence américaine ou iranienne. Des manifestations rivales pourraient avoir lieu et facilement déboucher sur une violence à grande échelle» explique-t-il.
La lumière au bout du long tunnel qui paraissait si proche semble s’éloigner de plus en plus…