Lauréat du prix mondial pour sa lutte contre la corruption, le petit-neveu du tout premier chef de gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC), Jean-Jacques Lumumba, a donné dans une interview à Sputnik son évaluation de la récente déclaration d’Emmanuel Macron sur le colonialisme ainsi que sur l’état de la lutte anticorruption au Congo sous l'actuel Président du pays et en Afrique en général.
Une déclaration «assez courageuse»
Lors d'un discours à Abidjan, Emmanuel Macron a affirmé que «le colonialisme était une erreur profonde, une faute de la République».
«C’est assez courageux de voir M.Macron dire que la colonisation faisait partie des erreurs», a commenté M.Lumumba. «Mais je peux rajouter en disant qu’il a raison de le dire, ce sont des choses qui ont été faites, mais maintenant, nous ne pouvons pas nous focaliser sur le passé.»
Le sous-développement que connaît l’Afrique, selon lui, ne peut pas être imputé à la France ou à la Belgique. «C’est de notre responsabilité», affirme-t-il. «Ce n’est pas à la France, ce n’est pas à la Belgique, je continue à le dire, ou aux États-Unis de venir se soucier du sort de l’Afrique. Eux ne feront que ce qui est de leur devoir et de leur intérêt.»
D’après M.Lumumba, des classes politiques responsables manquent à plusieurs pays africains. «C’est cela que je peux dire à la déclaration que M.Macron vient de faire et qui, pour moi, n’est que de la communication politique.»
Toutefois, il a dénoncé le soutien français au «régime assez répressif et dictatorial» au Tchad.
«Mais, il y a d’autres positions de la France sur le terrain qui attristent même les Africains parce que, pour un pays de liberté, on ne comprend pas parfois qu’un pays comme la France soutienne des dictatures comme au Tchad […]. Si elle nous dit que c’est pour des raisons de sécurité, pourquoi ne pas agir publiquement, imposer cette sécurité et permettre aux Tchadiens de vivre en liberté et de ne pas vivre dans un régime aussi militarisé qu’aujourd’hui», a-t-il déclaré.
Lutte anticorruption en Afrique
L’homme de 35 ans vient de recevoir le prix international de lutte anticorruption des Nations unies lors du Forum international de la lutte contre la corruption organisée à Kigali.
Lors d’une rencontre avec l’ancien chef de l’État tunisien Marzouki, il l’a félicité pour ses succès en la matière, «parce que la Constitution tunisienne d’après la Révolution est une constitution qui a mis un accent très particulier sur les questions de transparence et de bonne gouvernance».
Son organisation s’est engagée à tirer des expériences «d’un peu partout en Afrique pour pouvoir aider les pays et plaider dans ceux qui n’ont pas atteint ce niveau d’évolution dans leurs dispositions constitutionnelles ou dans leur législation».
Le Président Tshisekedi attendu pour passer aux actes
Le petit-neveu de Patrice Lumumba s’est «réjoui» de l’annonce du début de la lutte contre la corruption faite par le Président congolais, Félix Tshisekedi. L’homme l’appelle néanmoins à «passer aux actes».
«Passer à l’acte veut dire: mettre des moyens nécessaires [pour] la justice congolaise, mettre des moyens nécessaires pour la création d’un parquet financier, mettre des moyens nécessaires pour permettre [que] les gens qui commettent des cas de fraude puissent être traqués», explique-t-il, notant l’importance de s’attaquer aux faits de corruption commis même avant son arrivée au pouvoir.
Pour lui, l’arrivée au pouvoir de M.Tshisekedi a été marquée par une reconfiguration de la classe politique congolaise en raison d’élections «chaotiques et biaisées.» Le Président actuel n’a pas tous les moyens nécessaires pour pouvoir impulser de vrais changements car «le vrai pouvoir régalien est détenu encore par M.Kabila [l’ancien Président]», a estimé l’activiste.
«Heureusement, il [Tshisekedi] a le soutien de la population qui veut voir ce pays se débarrasser de 18 années de règne néfaste de M.Kabila», a-t-il déclaré, soulignant que «beaucoup de choses restent encore à faire».