«Non, Mélenchon n’est pas antisémite», mais «la gauche radicale a un problème avec l’antisémitisme»

Sa note de blog sur la défaite du parti travailliste de Jeremy Corbyn vaut à Jean-Luc Mélenchon des accusations d’antisémitisme. Sont-elles fondées ou simplement politiques? Gil Mihaely, directeur de publication de Causeur et historien fait la lumière sur cette question pour Sputnik France.
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Antisémite ou pas, Jean-Luc Mélenchon? La polémique née de ses propos sur les réseaux d’influence israéliens en Grande-Bretagne ne désenfle pas. Dans une note de blog publiée vendredi 13 décembre, Jean-Luc Mélenchon énumère les différentes raisons expliquant la défaite du parti travailliste: vouloir soumettre le Brexit à un nouveau référendum, composé avec l’appareil du parti travailliste… Et ne pas avoir tenu tête à ceux qui l’accusaient d’antisémitisme. Dans cette note, le leader de la France Insoumise soulignait qu’il n’était «pas surpris» par la défaite de Jeremy Corbyn.

«Il a dû subir sans secours la grossière accusation d’antisémitisme à travers le grand rabbin d’Angleterre et les divers réseaux d’influence du Likoud (parti d’extrême droite de Netanyahou en Israël). Au lieu de riposter, il a passé son temps à s’excuser et à donner des gages», a écrit le candidat à la présidentielle sur son blog.

Le leader de LFI concluait sa harangue en expliquant que la défaite de Corbyn était «le prix à payer pour les “synthèses” sous toutes les latitudes. Ceux qui voudraient nous y ramener en France perdent leur temps. En tous cas je n’y céderai jamais pour ma part. Retraite à points, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogants des communautaristes du CRIF: c’est non.»

Aussitôt, une pluie d’attaques venant de ses adversaires politiques s’est abattue sur Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens, qui n’ont pas tardé à riposter. De LREM au RN, nombreux sont ceux qui y sont allés de leur commentaire sur le sujet.

Désormais, ce sont désormais les éditorialistes et autres commentateurs qui s’emparent de la question d’un «antisémitisme d’extrême gauche». Sur le plateau de C à Vous le 16 décembre, les éditorialistes Jean-Michel Apathie et Gérard Miller étaient invités pour débattre de la question. Le même jour, Mario Stasi, le Président de la LICRA, association antiraciste très médiatisée, a même publié une lettre ouverte incendiaire à l’intention de Jean-Luc Mélenchon.

«On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment”, aimait à le rappeler le cardinal de Retz dans ses mémoires. C’est aujourd’hui chose faite pour la France Insoumise qui, en versant par votre voix dans[VV1]  le complotisme plus avilissant, a déserté le terrain de la lutte contre l’antisémitisme», accuse Mario Stasi. 

Des insinuations lourdes à l’encontre de celui qui s’est toujours présenté comme un ardent défenseur des principes républicains.

L’antisémitisme et le complotisme imputés à Jean-Luc Mélenchon et son parti sont-ils une réalité de la vie politique française ou instrument de discrédit? Pour répondre à cette question, Sputnik France a tendu le micro à Gil Mihaely, Président et directeur de publication du magazine Causeur, docteur en histoire et professeur à l’EHESS.  

Sputnik France: Tout d’abord, je voulais vous demander directement, les propos tenus par Jean-Luc Mélenchon révèlent-ils une forme d’antisémitisme chez lui?

Gil Mihaely: «Non. Je ne pense pas que Mélenchon soit antisémite.»  

Sputnik France: Et son parti? Voire, sa famille politique?

Gil Mihaely: «Le problème d’une certaine gauche radicale avec les Juifs se décline en plusieurs parties. Il y a d’abord le vieux cliché, qui remonte au XIXe siècle, expliquant que les Juifs accaparent toutes les richesses, qu’ils dominent économiquement la société, etc. À cela s’est ajoutée une deuxième couche d’antisémitisme plus récente, liée à l’État d’Israël. En effet, quand la gauche radicale s’est convertie à l’anticolonialisme et à l’antiracisme à partir des années soixante, très vite ils ont basculé dans un antisionisme qui s’est très vite métamorphosé dans un antisémitisme qui va bien au-delà de la critique du gouvernement israélien. L’État d’Israël conserve une vision relativement identitaire et sécuritaire de ses frontières, ce qui se heurte directement à la vision du sans-frontiérisme d’une certaine gauche radicale. Lorsque l’on met tout cela bout à bout, les Juifs et Israël cumulent tout de même un certain nombre de torts.»

Sputnik France: Pensez-vous que c’est un phénomène répandu dans cette famille politique?

Gil Mihaely: «Je ne dirai pas que c’est répandu, mais je dirai tout de même que ce n’est pas rare. Je pense surtout que certaines positions anti-israéliennes ou antisionistes ne sont pas très claires. J’ajouterai que je ne pense pas que ça soit rare, car, comme ils recrutent beaucoup dans les banlieues, des individus issus de l’immigration maghrébine, ils sont plus perméables à ce genre de discours et d’idées. Le plus de gens issus de ce “background” seront dans leurs rangs, le plus ils seront enclins de passer de l’antisionisme à l’antisémitisme.»  

Sputnik France: Que répondriez-vous à ceux qui affirment que le label antisémite est utilisé contre la gauche ou l’extrême gauche comme un outil politique pour les discréditer?

Gil Mihaely: «C’est vrai, je pense que c’est parfois utilisé à mauvais escient, et je condamne ceux qui le font. Ce qui n’exclut pas le constat que la gauche radicale a un problème avec l’antisémitisme qui lui est propre, pour les raisons que nous avons évoquées.» 

 

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