«C'est une journée que je n'oublierai jamais»: des ouvriers présents le soir de l’incendie de Notre-Dame témoignent

Trois membres de l’équipe Europe Echafaudage engagée sur les travaux de rénovation de Notre-Dame de Paris ont consenti à relater la soirée du 15 avril, quand les flammes ont ravagé la cathédrale. Ils confient qu’ils ont toujours le sentiment d'être considérés comme «responsables» bien que la cause de l’incendie reste inconnue.
Sputnik

Huit mois après l'incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le chef du chantier présent sur place ce jour-là, son conducteur de travaux principal et son directeur ont accepté de raconter à Europe 1 la douloureuse soirée du 15 avril 2019.

«Au départ, je crois à une mauvaise blague», assure à Europe 1 Franck Pagnussat, conducteur de travaux de la société Europe Echafaudage. Sa première réaction: «C'est une journée que je n'oublierai jamais».

Arrivé sur les lieux, il se sent impuissant: «Derrière les cordons de sécurité, la seule chose qu'on peut faire, c'est regarder l’incendie.»

Entre-temps, Didier Cuiset, directeur d’Europe Echafaudage, le rejoint en voiture depuis Jarny, dans l’est de la France. «Ce qui était stressant en roulant et en écoutant la radio, c’était la flèche. La flèche! Pourvu qu’elle tombe pas, pourvu qu’elle tombe pas! Et quand elle tombe, on craint le pire pour la suite», se rappelle-t-il.

Franck Pagnussat est lui resté avec ses ouvriers sur le parvis de la cathédrale. Pour ouvrir la porte aux pompiers, il doit escalader la grille. «À l’intérieur, c'est un champ de ruine: des cendres, tout est en feu. On ne sait même plus où on se trouve à ce moment-là», confie-t-il à Europe 1.

«L'impression d'être des criminels»

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Quant à l’audition, Franck Pagnussat n’en ressort que sept heures plus tard, le lendemain matin. «Je réalise au journal de 20-Heures quand je vois le premier titre des journaux "les ouvriers pour le moment libérés", on avait l'impression d'être des criminels», explique Franck.

Pendant une semaine, une dizaine d’ouvriers du chantier ont été convoqués plusieurs fois par la brigade criminelle. Certains reconnaissent avoir fumé des cigarettes sur l'échafaudage. Mais pour l’instant, l’enquête n’arrive pas à déterminer ce qui a provoqué le départ de feu.

Aucun ouvrier n’est mis en examen ni même placé sous le statut de témoin assisté. Mais ils ont le sentiment d'être coupables. Frédéric Reich, conducteur de travaux principal se plaint des insultes — «incendiaires de cathédrale», «brûleurs de Notre-Dame» — et des lettres de menaces. Même leurs enfants ont été pris à partie à l'école.

Reconstruction en cours

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Après avoir consolidé en urgence l’édifice, les ouvriers démontent l'échafaudage qu'ils avaient installé. Selon la radio, ils ont sacrifiés jours fériés et week-ends pour ce chantier qu’ils ne veulent pas lâcher.

«Tout le monde a demandé à revenir sur ce chantier», assure Frédéric Reich. «Là, ça devient une belle histoire de solidarité entre collègues. Tout le monde est là, présent. On va la sauver, on va la reconstruire. Tous les chantiers sont beaux, qu'ils soient petits ou gigantesque mais la cathédrale Notre Dame c'est quand même le Graal», conclut-il.

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