Le Centre du don des corps (CDC) de l’université Paris Descartes est le plus grand centre d’anatomie européen. Chaque année, il accueille des milliers de dépouilles de personnes qui ont accepté de faire don de leur corps à la science. Pourtant, le magazine L’Express a publié mardi 26 septembre son enquête sur la gestion et le trafic de ces cadavres, intitulée Un charnier au cœur de Paris. Jusqu’en 2018, des corps étaient conservés pendant plusieurs années dans des conditions indignes, violant toute règle d’hygiène et d’éthique.
S’appuyant sur plusieurs documents et sur les témoignages de médecins, professeurs et employés du CDC, L’Express évoque un «fatras indescriptible»: des corps entassés, parfois décomposés, gisaient çà et là dans les chambres froides parfois en panne. Les températures étaient ainsi trop élevées pour que les corps puissent être conservés de manière salubre. Des rongeurs, mouches et vers pullulaient au sein des locaux de la faculté de médecine, le tout dans une odeur infecte.
Depuis des années, l’état de délabrement du site faisait l’objet de plusieurs rapports de la part du président du centre, ainsi que de celle des membres du comité d’éthique (qui ont démissionné depuis), réclamant plus de moyens. Finalement, huit millions d’euros ont été investis pour des travaux de rénovation, qui ne devraient débuter que début 2020. Plusieurs employés ont cependant assuré que la situation s’était améliorée.
Des morceaux humains revendus
Autre scandale au sein de l’université Paris Descartes: des membres et organes humains donnés au Centre du don des corps étaient ensuite revendus à des chirurgiens et à des entreprises privées. Un corps entier était facturé 900 euros, une partie ou un organe, 400 euros. Les tarifs avaient été fixés par le Conseil d’administration en 2011. La revente de ces morceaux humains aurait constitué 75% du chiffre d’affaires du CDC en 2013, selon L’Express, qui s’appuie sur un audit du cabinet KPMG.
Auparavant, ce marché s’organisait sous le manteau, comme en ont témoigné plusieurs employés du centre. «Il y avait du trafic. Les préparateurs revendaient des pièces le samedi matin à des chirurgiens, qui les emportaient. Tout s'achetait», a révélé à L’Express le professeur Guy Vallancien, directeur du CDC jusqu’en 2014.
L’actuel directeur du centre, Bertrand Ludes, a affirmé à l’hebdomadaire qu’il souhaitait mettre un terme à ce genre de trafic, notamment en s’attaquant aux partenariats avec les entreprises privées.
Une plainte va être déposée
L’Union française pour une médecine libre (UFML) a l’intention de porter plainte après ces révélations sur la gestion déplorable au Centre du don des corps de Paris Descartes.
«Ça m'a glacé d'effroi parce que c'est à l'opposé de ce qu'on doit être quand on est médecin», s’est indigné le président de l’UFML, Jérôme Marty, auprès de France info.
Le représentant de ce syndicat déplore qu’un corps donné à la science puisse être ainsi malmené, et a souligné «l’atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne» qu’engendre ce genre de pratiques. «De son vivant, la personne a dit : je lègue mon corps à la science. Et son corps n'a pas été utilisé, soit parce qu'il a été mangé par des rats ou des souris ou qu'il a pourri avant qu'on l'utilise, soit parce qu'il a été dirigé vers d'autres missions comme celle de crash-tests!», a-t-il ajouté.